Loiron et Laval Agglo se cherchent « une vision commune »

Passer de 103 000 à 120 000 habitants, cela nécessiterait du temps. C’est en l’occurrence ce qu’a suggéré le sénateur UDI François Zocchetto en conseil communautaire de Laval Agglo qui finalement a entériné la fusion avec la communauté de communes du Pays de Loiron. Le président du futur territoire qui va regrouper à terme 34 communes a expliqué qu’il allait demander un report de l’entrée en vigueur de la fusion. Au 1er janvier 2018 au lieu de 2017. Pourquoi pas.


par Thomas H.


Sauf que la loi NOTre qui a beau être «complexe» n’en est pas moins précise : c’est 2017, c’est-à-dire dans 6 mois et pas un plus ; autrement dit cette «dérogation» aurait peu de chance d’aboutir selon l’opposition de gauche. Même si Laval Agglo ne semble pas être tout à fait prête et même si la « bonne foi  » – selon l’expression même de François Zocchetto – sera avancée auprès du gouvernement par le président-sénateur-maire de Laval.

Il y a aurait urgence d’attendre? En tous cas, études et comités de pilotage sont en route avec à la clef toute une batterie d’examens comme l’« expertisation des rapprochements, ou bien les conséquences en terme de gouvernance  ». Les examens au chevet de la fusion devraient suivre leur petit bonhomme de chemin jusqu’au quatrième trimestre 2016. Un long chek-up! Alors être opérationnel au 1er janvier 2017, pas simple.

D’autant qu’il faudra aussi se chercher et se trouver par la même occasion une « vision commune » selon les mots de François Zocchetto – c’est pas rien de rattacher Vitré en quelque sorte à la Mayenne – même si cette stratégie doit « être la traduction d’un besoin commun » selon lui ; bon! mais cela devrait permettre de « construire et de renforcer le dynamisme du département » croit savoir le président de Laval Agglo. Avec la LGV « Rennes sera à 25 minutes de Laval, avec 25 trains quotidiens aussi (…) ce projet de fusion sera bénéfique à l’ensemble des habitants du département et de notre territoire. » prédit François Zocchetto. Comme si la LGV avait été créée spécialement en vue du rapprochement de ces deux intercommunalités.

« Que de temps perdu !  »

Revirements de situation donc, et discours contradictoires d’une séance publique à l’autre. Rappelons que l’assemblée intercommunale s’était d’abord prononcée contre la fusion le 23 mai. Atermoiements et contradictions donc, ce que n’a pas manqué de souligner Jean-Christophe Boyer.

« Que de temps perdu !  » a lancé à l’endroit de François Zocchetto l’ancien maire socialiste de Laval, ajoutant, « nous sommes prêts à la fusion car cela fait 10 ans que nous en parlons et rappelons que vous avez fait voter une délibération contre il y a quelques temps ! ». Jean-Christophe Boyer continue en posant 2 conditions nécessaires selon lui à la réussite de la fusion. « Concertation et délibération avec débat public ; pour une fusion heureuse, il faut de la transparence!  ». Un élément de langage sans doute!

« consultation citoyenne »

« Usine à gaz » pour certain, entité nouvelle qui « éloigne les citoyens des pôles de décisions » pour d’autres » – la fusion fait débat au sein d’un réacteur intercommunal qui semble à l’arrêt – pour filer la métaphore du nucléaire.

L’élu de Chalons-du-Maine estime que « les modalités de cette fusion sont floues  » et rappelle que son conseil municipal s’est prononcé contre. Même position pour le communiste Aurélien Guillot qui parle pour ce « mariage forcé » – reprenant en cela les termes utilisés par François Zocchetto en tout début d’année – de « coup de force des élus UDI Zocchetto-Richefou qui dominent le département avec la complicité des autorités préfectorales ».

Soudain, le débat va-t-il s’éveiller. Le jeune élu PCF qui est assis en face de Claude Gourvil (EELV) et de Jean-Christophe Boyer (PS) explique que « personne en 2014 n’avait cette fusion dans son programme » et réclame la tenue d’une « consultation citoyenne ». Mais son intervention fait un peu flop car personne ne rebondit sur sa proposition.

Dans les bancs de la majorité, comme beaucoup sont occupés à mâchonner leur sandwich – nous sommes pratiquement en début de séance -, on ne peut pas parler bien-sûr la bouche pleine ; Jean-Christophe Gruau, lui n’hésite pas à s’exprimer, d’ailleurs il ne rate jamais une occasion, pour jouer avec les mots, en admirateur de son idole Jean-Marie Le Pen.

Le représentant de l’opposition de droite, en début de séance vient de faire sa contrition. Il avait, le 23 mai dernier, fait deux bras d’honneur en insultant des élus en séance. Il vient de jurer qu’il ne le referait plus. C’est promis.

Il faut dire que l’assemblée a pris position contre lui par le biais d’un texte qui a été lu par le maire de l’Huisserie Jean-Marc Bouhours. Une intervention courte et calibrée avant le week-end par téléphone avec François Zocchetto et Jean-Christophe Boyer. « Ces gestes (…) et cette violence (…) ont créé un malaise au sein des élus, dit le maire de L’Huisserie, dans une enceinte où le débat doit être contradictoire, mais avec dignité, responsabilité et respect ».

Après les applaudissements de l’assemblée communautaire, Jean-Christophe Gruau se met en position de réplique : « Je m’excuse pour un geste, comme Bill Clinton (…) Seul opposant d’extrême-droite de l’assemblée, je ne me suis pas contrôlé ; mon geste était particulièrement vulgaire, j’en conviens (…) faut-il que je marche à genou dans cette assemblée ? (…) mais je le promet je ne recommencerais pas !»

«Dénis de démocratie très inquiétant»

Sur le fond, celui qui dira – sans rire – à propos d’une autre délibération sur Pôle Emploi que «discriminer est le plus beau verbe de la langue française, car c’est choisir», s’exprime à présent sur la fusion entre Laval Agglo et le Pays de Loiron : « sans le vouloir, vous allez augmenter de 14 communes votre périmètre dit-il en s’adressant à François Zocchetto, mais pour quel projet ? (…) et votre fusion accordera de nouvelles lourdeurs administratives à notre territoire (…) » Il refusera le rapprochement.

Alain Guinoiseau est assis à la tribune sur le côté pour Debout la République. Il appuie sur le bouton de son micro. Le rouge s’allume. « Sur la forme, je suis désolé de vous dire qu’il y a un dénis de démocratie (…) nous sommes bien obligés de suivre la loi puisque nous sommes des élus, mais c’est un dénis de démocratie très inquiétant répète-t-il. Je voterai ce projet de fusion ».

Le maire de la commune d’Argentré Christian Lefort, relate que les élus ont fait vivre un vrai débat le 9 juin lors du dernier en conseil municipal qui s’est soldé par un avis favorable (…) mais il ajoute toutefois que le calendrier est trop contraignant et trop serré et les deux intercommunalités ne sont pas du même niveau (…)

Et puis le besoin de transparence refait surface un peu avant le vote ; quand Boyer reprend la parole pour dire en se tournant vers le président de Laval Agglo que « si la démocratie n’est pas prévue dans la loi NOTRe, il n’est pas interdit de la faire vivre . » Ce à quoi un représentant de la majorité situé juste en face lui réplique aussitôt en se soulevant de son siège et en propulsant son corps légèrement en avant comme pour être plus convaincant : « la démocratie, ce n’est pas expliquer, c’est décider !  »