L’Huisserie – la pétition pour le maintien de la ferme bio dépasse les 15 000 signatures

TRIBUNE – Quand une modification du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) sur la commune de L’Huisserie a des conséquences sur l’agriculture biologique. Dominique Garnier, un agriculteur L’Huissérien milite pour le maintien de sa ferme La Goupillère, seule exploitation biologique sur la commune de L’Huisserie. Il estime qu’elle est menacée par l’urbanisation rampante. L’implantation programmée d’un lotissement sur 13 hectares de terrain qu’il exploite empêcherait, si la modification du PLUI suit son court, ses vaches d’accéder aux pâturages devenus viabilisés et urbanisés. Dominique Garnier n’est pas seul dans cette situation.

Touche pas à mon bio, s’il te plaît

Par Dominique Garnier


Je viens d’apprendre que je n’étais pas la seule exploitation en agriculture biologique concernée par cette affaire d’urbanisation sur L’Huisserie. Un autre agriculteur, en conversion biologique sur la commune de Nuillé-sur-Vicoin, a aussi des terres à L’Huisserie. Et comme moi, il a appris, à la fin de l’année 2018 par son propriétaire que la commune de L’Huisserie voulait acheter les parcelles qu’il exploite pour faire le fameux lotissement.

Le maire de L’Huisserie Jean-Marc Bouhours dit que, pour ma part, j’étais au courant depuis 2015 ; en fait je m’aperçois que je n’étais pas le seul à ne pas avoir été informé. Je trouve que cela n’est pas normal de ne pas évaluer l’impact de l’urbanisation des projets sur l’agriculture locale. Ont-ils vraiment, pour la commune, une préoccupation écologique et environnementale dans le mode de développement qu’ils proposent ?

Le vrai problème dans cette affaire, ce n’est pas moi. Je ne fais pas ça pour la sauvegarde de mon exploitation. J’agis surtout pour défendre l’environnement et la santé des gens. Ce qui m’importe, c’est de promouvoir et de faire avancer l’agriculture biologique et ce n’est en faisant des lotissements partout qu’on y parviendra.

« Le grignotage des terres agricoles »

Plus généralement, c’est bien le grignotage des terres agricoles qui est en jeu. Nous sommes repartis en France sur les rythmes des années 2000. Et à l’Huisserie, c’est la course à l’attractivité résidentielle. On fait une enquête d’utilité publique qui se termine le 18 juillet pour modifier le PLUI mais les enjeux de cette consultation, tous les habitants de L’Huisserie les connaissent-ils vraiment ?

La commune de L’Huisserie propose de développer l’urbanisation sur des terres à fort potentiel agronomique en agriculture biologique. c’est le cas sur mon exploitation depuis neuf années. Avec ce projet, la commune condamne donc son unique ferme biologique. Sans aucune concertation, sans m’informer, elle prive mon exploitation de 29 hectares de pâturage, car le lotissement qui occuperait 13 hectares, est traversé par une route qui fera barrage au passage des animaux.

La ferme de Dominique Garnier à L’Huisserie – image GoogleEarth

En fait, comme monsieur Rousseau à Nuillé-sur-Vicoin, c’est par les propriétaires des terres que j’exploite sur L’Huisserie, que j’ai pris connaissance de ce projet en début d’année. A aucun moment, la mairie n’a pris contact avec moi pour en discuter et mesurer les conséquences sur le fonctionnement de mon exploitation.

Je livre 230 000 litres de lait de bonne qualité, je pense, pour faire le fromage l’Entrammes.

« Un projet incohérent »

J’estime que le projet présenté par la commune est incohérent avec les recommandations du SCOT de Laval-agglomération, notamment en matière de développement durable et d’environnement. Dans ce document, l’agriculture biologique y apparaît comme sanctuarisée. A mes yeux, d’autres solutions existent, pour répondre aux besoins de la commune de l’Huisserie pour assouvir son attractivité résidentielle. C’est un cercle vicieux. Plus d’habitants, plus de moyens, plus de lotissements. On ouvrira des classes à L’Huisserie et hélas on en fermera ailleurs dans les campagnes.

Ainsi, avec ce projet, la cohérence de mon système d’exploitation est détruite et m’oblige à envisager la fin de mon activité. Depuis 2010, je produis du lait biologique pour alimenter la fromagerie d’Entrammes. Notre cahier des charges nous interdit l’utilisation de fourrage conservé par voie humide, c’est-à-dire par ensilage, ou par enrubannage. Aussi mes vaches ne mangent que de l’herbe pâturée ou du foin pendant les mois d’hiver. Si elles ne peuvent plus aller sur les prairies pour pâturer, c’est terminé de mon exploitation.

De plus, je suis en mono-traite (une traite par jour). Moins de lait mais de meilleure qualité. Mon système d’exploitation est à la fois économe et autonome. Maximisation du pâturage avec recherche d’un coût alimentaire le plus bas possible. Économie de fuel, de CO2 et moins de bruit pour l’environnement. Ce système a l’avantage d’être extrêmement économe en énergie tout en améliorant les qualités gustatives et organoleptiques du lait ainsi produit. De plus, je fournis des collectivités en lait cru. La cuisine centrale de Cossé-le-Vivien, par exemple, le restaurant municipal de Quelaines-Saint-gault, et celui de l’Huisserie. Je pratique aussi la vente directe de lait cru aux particuliers, le vendredi après-midi.

Dominique Garnier sur son exploitation à La Goupillère

« Un mode de production vertueux »

Je suis aussi très surpris par ce que je considère comme une contradiction flagrante. D’un coté l’encouragement financier que j’ai reçu de l’Etat depuis 2010 pour la conversion et le maintien en agriculture biologique et de l’autre le choix de ces mêmes terres pour le développement urbain en 2019.

Je suis conscient des enjeux environnementaux et de l’urgence à amorcer de profonds changements en matière de développement. Et je suis vraiment déçu des choix qui sont faits par la commune de l’Huisserie et je ne comprends pas. Je ne suis pas le seul à le penser, puisque, dans la pétition en ligne, nous dépassons les 15 000 signataires, rien qu’en une semaine.

Je pense simplement que le biologique est l’avenir de l’agriculture en France et depuis 2010, où j’ai basculé sur ce mode de production vertueux, je le crois de plus de plus. Chaque année, chaque mois, chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde qui passe me consolide dans l’idée que c’est la solution : pour la qualité de l’eau, pour moins de pesticides et pour une meilleure santé publique. »


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