Droits aux minorités : démocratie renforcée – par Julien Bestin 🔓

Leglob-journal ouvre ses colonnes à Julien Bestin, le co-fondateur de La Gom53, une association sur Laval qui accompagne et informe autour des orientations sexuelles et des transidentités. Homosexuel revendiqué, il a souhaité réagir à l’éditorial du Courrier de la Mayenne intitulé Minorité et sens commun, signé Loïk de Guébriant, dans lequel on peut lire : «  (…) dernier avatar de cette tendance néfaste, c’est l’histoire des parent1 et parent2 que voulait inscrire dans la loi Blanquer une députée LERM. Ainsi pour complaire à quelques pourcents de parents homosexuels, on allait priver l’ensemble de la population des termes père et mère dans les formulaires scolaires. C’est du terrorisme. (…) Tout cela vient bien évidemment de ce Mariage pour tous où pour plaire à la communauté homosexuelle on a dénaturé le mariage. (…) Ainsi pour une minorité, il a fallu modifier complètement le droit de la famille dont le pivot est naturellement l’altérité des sexes. (…) ». De tels propos ne pouvaient pas laisser indifférents, sur les réseaux sociaux et celui qui est à l’origine de la Gom53 à Laval.

Par Julien Bestin *


Fichtre, diantre ! Alors que je m’apprêtai à monter dans le bus pour me mener au journal, j’aperçus une femme en pantalon et m’empressai de lui faire un rappel à l’ordre de cette bonne vieille circulaire de 1892 complétée en 1909 sur le port du pantalon par la gente féminine. C’est alors qu’elle osa me répondre et de surcroît en me regardant dans les yeux. Secoué en raison de cette chicane, je montai dans notre bon vieux bus à vapeur et aperçu un panachage bigarré : des blancs côtoyaient des noirs, des femmes et des hommes étaient vêtus de tenues semblables et échangeaient…

Nom de Zeus, mais où étais-je ? Me dis-je.  Nous n’avions apparemment plus le droit d’héberger Martha pour qu’elle ait le plaisir de nous préparer de frugaux mets. Une certaine Rosa, une femme noire, aurait tenu tête à un homme blanc et depuis ils usitaient les mêmes moyens de transports et les mêmes tavernes que nous.

Avais-je bien entendu ? Les mots de cette femme me revinrent, « Oui, j’ai un pantalon et aussi le droit de vote, crétin ! » J’appris qu’elles avaient non seulement le droit de travailler en étant payées mais qu’en plus, elles avaient fait grève pour une augmentation de salaire, pour ensuite ne faire que demander le même salaire ; vous rendez-vous compte ?

Déconnecté à ce point ?

Tous mes repères foutaient le camp. D’autres personnes que moi l’homme de la maison, avaient désormais des droits, voire même une protection, et juridique de surcroît ! Qu’avais-je raté ? Comment m’étais-je déconnecté à ce point ? Depuis des années, cette société donnait une reconnaissance, voire des droits tantôt aux noirs, tantôt aux femmes…

Les handicapés avaient des aides financières. On proposait aux femmes une aide médicale pour ne pas garder un enfant non désiré. Des personnes homosexuelles, lasses de voir des descentes de police dans un club où elles se regroupaient, avaient été à l’origine de marches visibles pour leurs droits dans moultes contrées du pays. Depuis toutes ces années, chacun pouvait demander à être traité comme moi. Mais qu’allais-je devenir ? Et comment garder mon statut ?

Et non ! Mr de Guébriant, PDG, entre autre, du Courrier de la Mayenne, l’évolution de cette société, par la prise en compte de sa diversité, n’est pas une fiction et n’est pas non plus récente. Les minorités se battent depuis la nuit des temps et continueront de le faire avec sûrement même davantage de verve grâce à vos maux (sic).

L’évolution des droits de ces minorités ne réduit pas les vôtres ; elle ne fait qu’effacer les inégalités et reconnaître ces femmes et ces hommes comme des citoyens à part entière ; ce qui donne encore plus de force à notre démocratie.

C’est d’ailleurs aussi une loi qui vous permet de vous exprimer ainsi aussi librement, dans le confort aisé de vos pages, comme quoi vous jouissez vous aussi de quelques avancées et protection, en tant que minorité, que dis-je en tant que journaliste… 

Sur ce, je vous laisse vous plonger dans les livres d’Histoire et les pages de journaux, autres que celles que vous supervisez où vous risqueriez de trouvez le même ADN et donc les mêmes idées conservatrices.

Écrit de la main gauche (Mon dieu ! Un hérétique : attachez lui la main !) par un homosexuel que la loi autorise désormais à se marier et à adopter, et qui vous fait tout de même une bise parce qu’il est de ceux qui pensent que la seule solution face aux rejets et au delà de l’éducation populaire, c’est un peu d’amour.


* Julien Bestin, l’auteur de cette Tribune, est le co-fondateur et ancien président de La Gom’53, une association qui milite pour effacer les différences en accompagnant en Mayenne les LGBT ( Lesbiennes, Gays, Bi et Trans).


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