Hôpital de Laval : un SOS de soignant en détresse – par une infirmière 🔓


Pourquoi la grève ? Pourquoi plusieurs centaines de personnels du centre hospitalier de Laval ont-ils décidé une nouvelle fois de débrayer, le Mercredi 9 Novembre? Infirmières, soignants, personnels de l’hôpital ont dit qu’ils en avaient assez de la souffrance que l’institution leur ferait subir. Alors pour bien comprendre ce qui ressort précisément de ce mouvement de fond, de cette difficulté au travail qui est exprimée, voici le témoignage d’une infirmière de l’hôpital de Laval.

Par une infirmière*


Pourquoi je suis en grève ? Quand je suis rentrée à l’hôpital, j’étais très fière, fière de dire à mon entourage que je soulageais la souffrance et que je prenais soin des autres J’étais fière de mon métier. Aujourd’hui, je dois le dire je suis découragée. Je pourrais revendiquer un meilleur salaire, parce je gagne bien mal ma vie. Mais ce n’est pas le motif de ma colère, ni celui de tous mes collègues qui ont fait le choix de venir travailler à l’hôpital public.

Cette colère vient de ce que la ministre de la Santé nous propose. Au mieux, aujourd’hui les services hospitaliers sont soit en surchauffe, mais le plus souvent en crise et que me proposez-vous madame la ministre ? De rassembler les hôpitaux pour réduire les lits et réduire encore ainsi les personnels. Alors oui ! je suis en colère !

En colère parce que je ne suis pas écoutée, et parce que tous les jours mon travail de soignante est dévorée par l’ampleur des tâches administratives, par les appels téléphoniques incessants, par la transmission quotidienne des mêmes consignes à des jeunes professionnels qui changent tous les jours ou presque de poste de travail.

Ce qui m’amène à crier ma colère dans la rue, comme un « sos » de soignant en détresse, c’est qu’on m’a volé ce qui faisait sens pour moi quand je suis rentrée à l’hôpital. Aujourd’hui je me sens épuisée. Épuisée de tant donner.

Épuisée d’être sans cesse rappeler sur mes repos, mes vacances, mes récupérations pour remplacer une collègue malade ; épuisée d’être culpabilisée si je refuse.


Imprégnée de la souffrance de l’autre


Épuisée de courir partout, de répondre à tout, de courir et d’anticiper tout le temps. Épuisée par mon quotidien de soignant avec son lot de violence, de souffrance, d’exigence de fin de vie, de soins palliatifs.

Épuisée car imprégnée de la souffrance de l’autre que je dois apaiser en trouvant les mots justes avec la bienveillance et le sourire qui rassurent. Épuisée de passer mes journées debout, sans manger, sans boire, sans même aller aux toilettes. Mes journées de 7h30 passent trop souvent à 8 voir 9 heures sans que ce temps-là ne soit forcement compté.

La situation au travail devient insupportable, il n’est guère de jours ou je quitte mon service avec le sentiment de n’avoir pu exercer correctement mon métier. Pourtant j’ai fait tout ce que j’ai pu, j’y ai mis toute mon énergie sans jamais me plaindre mais aujourd’hui je n’en peux plus…


Plus l’envie…


Je rentre chez moi les jambes lourdes et j’ai mal au dos ; il va falloir que je trouve en moi les ressources nécessaires pour sourire à mes proches et leur annoncer que dimanche prochain contrairement à ce qui était prévu, je ne serai pas avec eux car il faut que je travaille…Je renoncerai aussi à passer noël en famille ; cette année, c’est au tour de ma collègue


Manifestation devant le Centre Hospitalier de Laval le 9 novembre 2016
Manifestation devant le Centre Hospitalier de Laval le 9 novembre 2016

Toutes ces contraintes acceptées qui font parties du métier finissent par devenir insupportables. Plus rien dans mon quotidien de soignant aujourd’hui ne me donne envie de venir travailler ; parce que très rarement je ne vois un signe de reconnaissance de ma hiérarchie.

*Cette infirmière a souhaité conserver l’anonymat pour plus de liberté d’expression.


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