Dans quel état est notre État de droit ? – Par Thomas H. 🔓

La corruption au sein de l’État de droit vue par vocablitz

Une illustration de la corruption dans l’État de droit par vocablitz

L’État de droit, avec ses trois principes fondamentaux que sont la hiérarchie des normes, l’égalité de tous devant la loi et l’indépendance de la justice est consubstantiel à une République apaisée. Malheureusement, il est de plus en plus menacé. Dans notre société du vivre ensemble, la République ne peut se prévaloir sans cette notion de l’État de droit qui s’impose à tous. Comme la Justice, par principe. « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir… » écrivait La Fontaine. Cette époque semble révolue. Et pourtant…


Par Thomas H.


la belle lettre L sur leglob-journal

Les dernières décisions concernant des politiques comme Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy, honorent cette institution qui fait globalement son travail. Une société qui crée la démocratie où l’on n’est pas soumis à l’arbitraire d’un chef mais à un ensemble de règles, de lois théoriquement acceptées par tous, est une absolue nécessité. Déclarer officiellement que l’État de droit n’est pas « sacré » comme a pu le faire qui plus est un ministre d’État en charge de l’Intérieur, qu’il peut être modifié, arrangé et évolutif, c’est s’en prendre à la République. A moins d’en débattre démocratiquement devant le Parlement. C’est comme la laïcité, essayez de l’adjectiver en parlant par exemple de « laïcité positive » comme ce fut le cas ces dernières années, et nous aurons perdu l’essence même de la loi de 1905.

L’État de droit est une éthique, d’une part celle du Droit avec ses devoirs et ses obligations, précisément contre l’arbitraire, et d’autre part, un code. De ce point de vue l’acte le plus important de la Révolution Française de 1789, conduite sous le régime oppressant de la monarchie, – qu’on a appelé l’Ancien Régime pour bien mettre en avant ce qui est advenu et par essence plus moderne -, l’acte le plus important de cet épisode de bouleversement démocratique qui s’est fait aussi dans le sang, c’est d’avoir défini justement ce code par le vote d’une assemblée constituante qui devint nationale, et que nous avons perpétué au cours des siècles suivants avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, reprise en 1846 puis dans la Constitution française de 1958 fondant la Cinquième République, celle que nous connaissons actuellement…

Un sacré numéro, cette République créée pour le Général De Gaulle et si souvent décriée, surtout quand il s’agit d’utiliser un des ses articles, le 49-3 conduisant paradoxalement à cet arbitraire que ressente nos concitoyens, permis par l’État de droit et que beaucoup devrait absolument voir éviter. Le passage en force d’un règle, d’une loi, d’un décret dans le cercle légal de l’État de droit conduit néanmoins à un arbitraire préjudiciable justement à ce même État de droit.

Victor Hugo avait dans l’idée que « la République est l’État de droit, donc l’État civilisé par excellence » ce qui n’est pas faux. Il pensait même que le mal venait des monarques, ce que nous savons exagéré ; il suffit de se référer à la monarchie constitutionnelle britannique, constitution qui n’est pas sripturale, faisant appel à un monarque qui règne et un parlement fort qui gouverne. De ce point de vue, en France notre régime n’en est pas aussi éloigné, bien que les pouvoirs décisionnels et de nominations soient exagérément concentrés dans les mains d’un seul individu à savoir le Président de la République qui n’est pas un monarque mais qui parfois semble flirter avec la notion d’arbitraire… il suffit simplement pour s’en convaincre de regarder qui, tout récemment a été nommé à la tête du Conseil constitutionnel qui doit dire si les lois votées par les députes et les sénateurs et les décisions prises par le Président sont justement ou non, conformes à la Constitution…


La diminution du pouvoir de l’État de droit


La République pour simplifier, on pourrait dire que c’est le contraire du coup d’État puisque celui-ci utilise la violence et non le droit et souhaite rétablit la monarchie et non un pouvoir démocratique. En ce sens on peut tenter un rapprochement entre la notion de coup d’État et le régime de l’État français de Vichy qui résulte du vote à l’été 1940 des pleins pouvoirs constitutionnels accordés au Maréchal Pétain mais surtout de l’interprétation que le militaire, qui s’est placé sous le joug de l’occupant, en a fait pour tenter de mettre fin à la République.

La détestation de l’État de droit déjà, comme sous les années 30, celles du Fascisme flamboyant, dont on voit poindre à nouveau les lignes de crêtes actuellement. Entre les deux guerres les émergences des extrêmes droites, des ligues, des croix de feux, du Faisceau se sont efforcés de dominer la rue et de préparer à Droite toute un sursaut qualifié de révolutionnaire contre la République. Le caractère factieux des ligues paramilitaires sera dénoncé par la Gauche, comme le sont les actes des extrêmes droites actuellement. Les ligues seront interdites en janvier 36 et dissoutes par décret en Juin.

Les lois en démocratie visent à empêcher l’expression des haines qui croisent toutes les autres détestations. Celle des LGGBTQ+, des homosexuels, des juifs, des femmes qui revendiquent, des hommes qui recherchent l’égalité des sexes, du wokisme (ce courant de pensée d’origine états-unienne qui dénonce les injustices et discriminations), de la Théorie du genre qui serait enseignée à l’école pour nier les différences sexuelles entre filles et garçons mais qui consiste en fait à analyser, scientifiquement, comment se construit une identité sexuelle et comment chacun peut trouver sa place dans la société, etc.

Les motivations de la diminution du pouvoir de l’État de droit dans notre société comme certains discours d’Extrême droite ou de personnalités proches de cette mouvance idéologique qui à bas bruit s’élèvent contre la stabilité républicaine, croisent à la fois : racisme, autoritarisme, xénophobie, misogynie, suprémacisme qui postule la supériorité d’un peuple ou d’une civilisation sur tous les autres, et légitime ainsi leurs aspirations hégémoniques, etc.

L’inversion des valeurs est une tendance actuelle qui est inquiétante. Ceux qui n’acceptent pas les conséquence de l’État de droit s’appuie pour le rejeter implicitement sur la présomption d’innocence qui devrait leur être appliquée, alors que par le passé, ces mêmes personnes n’hésitaient à la bafouer. Témoin l’ancien chef de l’État condamné à aller en prison et qui désignait sans précaution et publiquement comme coupable avant qu’il ne soit jugé, celui qui était en fait l’assassin présumé du Préfet Erignac…

L’hostilité à la limitation de la liberté d’expression, y compris en cas de mensonges avérés, comme avec les faits alternatifs, les informations de propagande communément appelées « Fake news » ou les objets de diffamation qu’ils ou elles soient affichés ou simplement revendiqués en cas de riposte comme un réflexe langagier, est une revendication traditionnelle de l’Extrême droite qui cherche a déstabiliser l’État de droit…. Mais elle se déploie aussi en dehors de ces milieux spécifiques et gangrènent petit à petit la société. Cela est rendu possible par l’accaparement des médias et de moyens d’informations de masses par des personnes qui orientent volontairement le discours rendant ceux qui s’y opposent comme des irresponsables et des propagandistes. Cela peut conduire à les exclure. Journaliste, je suis bien placé pour le savoir car je suis interdit de conférence de presse par la droite dite républicaine et l’Extrême droite. L’animateur humoriste de la chaine ABC détenue par Disney qui s’en était pris à Trump a aussi été suspendu à défaut d’être pendu comme dans des pays où il est puni par la mort le fait de refuser publiquement la religion d’État.


Deux conceptions face à l’État de droit


Il est souvent tentant de vider partiellement l’État de droit de son épaisseur juridique simplement parce qu’il est de nature contraignante. Il fait même parfois partie d’une opinion parmi d’autres opinions. Les propos de commentaire sur la façon dont a été condamner l’ancien Président de la République pour « association de malfaiteurs » dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 en est la preuve la plus emblématique. « Cette injustice est un scandale ! […] c’est d’une gravité extrême pour l’État de droit » et « la confiance qu’on peut avoir en la justice ». » a-t-il lancé juste après le prononcé du jugement par le tribunal devant les caméras de télévision. C’en est suivi des diatribes qui s’en prennent à la Justice et aux magistrats. Elles interviennent après la récente volonté de désacraliser l’État de droit, émanant d’un ministre de la République. Afin de le modeler à sa guise pour mener des politiques qui conviennent, à lui et à son camps.

Rarement l’opposition à ce concept fondateur de notre société développée a paru si nette, entre deux conceptions irréductibles. D’un coté l’État de droit comme un instrument au service des stratégies partisanes ; de l’autre une référence à la loi républicaine, à des principes, à des valeurs, à un code moral partagé, à une éthique. Ce qui nous guide finalement. Mais sommes-nous pour autant capables d’agir réellement face à cette menace ?

De l’importance de la vigilance et des dangers de l’endormissement. La banalisation dans notre société démocratique des actes délictuels touchant les minorités, considérés communément comme des opinions, et à ce titre leurs acceptation sans réaction formels, est dangereuse. Ainsi en est-il allé de la dédiabolisation lente et assurée du parti du FN devenu RN pour se racheter une respectabilité. Le parti de Marine Le Pen s’est retrouvé dans cet acte républicain qui aurait dû portant l’exclure, car contraire à ses valeurs de la République française, celles de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité. « Tout peuple qui s’endort en liberté, se réveillera en servitude » écrivait le journaliste et philosophe Alain entre les deux guerres.

« Indignez-vous ! » lançait l’ancien résistant, diplomate, corédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Stéphane Hessel dont le livre éponyme est à présent devenu un best-seller publié, et comble d’ironie, jusqu’en Chine. L’indignation a porté ses fruits dans l’histoire : le combat face aux inégalités de genre a permis aux femmes d’être reconnues, l’indignation face à l’occupation nazi a permis a des résistants de relever la tête et de lutter contre la barbarie. L’homosexualité est dorénavant exclu du champs pénal. Le racisme est devenu un délit punissable pénalement. Et c’est l’indignation qui pourrait permettre d’entraver la lente marche d’une extrême droite qui se veut de plus en plus triomphante…

Tenons notre garde… Soyons dans la vigilance, mettons en avant l’extrême droite non pas pour lui faire de la publicité mais bien pour décrypter sa manière de coloniser la société. De ce point de vue, la Garde antifasciste, ce groupe de militants qui sur un réseau social, Télegram pour ne pas le nommer, agit en ce sens. La garde antifasciste répertorie toutes les informations et les actions de l’extrême droite, celles par exemple d’une jeunesse séduite de plus en plus par ces idées anti-égalitaires, contre la Liberté et anti-fraternité…

Les dictatures émergent des démocraties. Rappelons ce que pense Évelyne Sire-Marin, une magistrate honoraire et membre de la Ligue des Droits de l’Homme : « la nomination d’Hitler comme chancelier en 1933, puis les textes [qui ont suivi], votés par le Reichstag se sont très bien accommodés des dispositions de l’État de droit allemand issues de la République de Weimar […] » Ce que fera sans doute le Rassemblement national une fois au pouvoir en gouvernant par voie réglementaire en promulguant des décrets lois qui shunteraient le rôle primordial du Parlement, la représentation nationale qui est une des figures de proue de l’État de droit.

L’affaiblissement de l’autre contre pouvoir de notre régime démocratique qui a déjà commencé depuis les années 80, à savoir le pouvoir judiciaire, pourrait être accéléré dans un régime nouveau où l’État de droit qui selon notre ministre de l’Intérieur n’est ni « intangible » ni « sacré » et où l’on observe « un point de déséquilibre où les règles finissent par protéger les individus dangereux davantage que les victimes de la société ». ⬛


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