Epine
La politique n’est jamais un « long fleuve tranquille… » La ville de Laval connaît un départ au sein de l’entourage du N°1 Florian Bercault (DVG), et pas des moindres. Celui de la Directrice du cabinet du Maire et Président de Laval Agglo, recrutée il y a dix-huit mois. A presqu’un an du mi-mandat, de quoi cet épisode est-il le symptôme? Est-il toujours aussi facile, avec le temps, de gouverner une « cohalition » de gauche, avec des composantes issues du rassemblement au second tour d’une élection municipale ? Qui plus est dans un département majoritairement conservateur...
Peut-on parler de tangage ?
Par Thomas H.
La ville de Laval et Florian Bercault est à nouveau à la recherche d’un directeur de cabinet. Un poste essentiel dans le rouage municipal. « Le rôle du directeur de cabinet, pour faire simple, c’est un proche, c’est le conseiller du maire. […] » nous confiait David Ouvrard, l’ex-directeur de cabinet de François Zocchetto (Lire ici). « Il faut avoir à la fois une vision politique et une bonne connaissance de l’administration, ce n’est pas simple, c’est d’ailleurs pourquoi les candidatures ne courent pas les rues » nous dit ce fin connaisseur. « C’est un poste politique, et si le directeur de cabinet n’est plus raccord avec le maire, il faut arrêter les frais, car le duo doit marcher la main dans la main. » avance cet autre.
Camille Lachenaud, la bretonne, arrivée de Dinan Agglomération, où elle était « Cheffe de service proximité, contractualisation et prospective« , sera finalement restée en poste un an et cinq mois depuis septembre 2020. Pourquoi est-elle partie ? C’est silence radio. Contactée à deux reprises, elle n’a jamais donné suite. Silence aussi du côté du maire qui refuse de dire ce qui a amené le différent dans ce qui devait être en principe « un duo, presqu’une relation de couple politique où la confiance doit être totale… » Pour Florian Bercault, le mot de « tangage » que leglob-journal a employé pour évoquer avec lui ce départ au sein de son cabinet ne correspond pas à la réalité.
« Tangage », le mot est sans doute un peu fort. Devrait-on parler de remous. Mais depuis son départ, les relations semblent plus apaisées dit-on. Il est constaté aussi qu’avec l’irruption de l’épisode UCO et le financement de Holberton School, – L’Agglo a financé l’école de codage, le « bébé Tual » à hauteur de 100 000 € pour une installation à Laval -, et une certaine fatigue due « au travail de tous les instants pour une équipe peu expérimentée, issue de la société civile et aux emplois du temps très chargés par ailleurs« , il n’en a fallu pas plus pour « provoquer des remous » . « Des dossiers comme celui de l’UCO, ça heurte des sensibilités bien trempées » explique-t-on au Glob-journal, même si « le débat a eu lieu avec de l’écoute, beaucoup d’écoute de la part du n°1 » au sein de la majorité municipale.
Le « dossier Université catholique de l’Ouest » est à présent bouclé. Ou presque : le terrain et le bâtiment resteront la propriété de la collectivité et un loyer sera versé pour « rembourser » les 3 millions d’€ que Laval Agglo s’apprêtent à injecter dans l’installation de l’UCO sur le campus de Laval. Un dossier presque ficelé donc, car il reste à fixer le montant du loyer… Une issue qui a sans doute apaisé les tensions, mais pas forcément l’opposition à Florian Bercault qui s’est exprimé sur twitter pour dire que « du temps a été perdu pour des raisons idéologiques… » .
Agglo, Région, Département et responsables de l’UCO ont annoncé médiatiquement, et de concert, cet épilogue, avec un maire-président qui avait un visage fermé (Cf. ici). Mais certaines voix se lèvent pour dire qu’il n’y a pas eu de vote en bureau communautaire sur la question et faire remarquer que le sujet n’était pas non plus à l’ordre du jour du conseil communautaire du Lundi 31 Janvier 2022.
Une pomme de discorde
Une pomme de discorde en herbe. Pour un groupe qui au lendemain du premier tour des Municipales a fait fissa pour faire la fusion des listes, à gauche, et pour que cette dernière apparaissant unie ou presque se retrouve victorieuse au second, avec tout ce que cela comporte comme effet de cohésion. « Une liste aux Municipales de personnes pour la plupart inexpérimentées, c’est normal que cela se produise ce genre de choses, presqu’à mi-mandat ! Mais Florian Bercault n’a pas varié sur ses intentions, et la ville bouge… »
Et d’ajouter : « La première année on est tout feu tout flamme avec énormément de dossiers, et puis vient les arbitrages, et l’heure des choix qui passent par la case Finance, et forcément cela fait des déçus… C’est, je dirais, un juste retour des choses... » D’autant que la ville doit honorer financièrement des engagements laissés par la municipalité précédente, comme le Conservatoire ou l’extension de l’Estaca, l’école d’ingénieurs…
Est-ce pour cela qu’un séminaire municipal de deux jours a été organisé au plus fort de la tourmente, en 2021 ? Avec en haut du paquet et en tête des priorités un objectif, il s’agissait de pointer sur « la démocratie participative » via la « ressource Data et les réseaux sociaux« . Certes mais pour discuter certainement aussi, on s’en doute, des grands dossiers du moment à la municipalité de Laval, et de manière incidente, ce qui ne mange pas de pain, de repenser cohésion de groupe. « Non! Pas du tout… Cela n’a rien à voir… Ce genre de séminaire, vous savez, c’est simplement ce qu’on fait dans les entreprises… » a rétorqué au Glob-journal Florian Bercault, le jeune start-uppeur issu de ce milieu spécifique de l’entreprenariat où l’on aime la motivation de groupe et en même temps l’initiative individuelle. Mais dans une collectivité locale, c’est nouveau, et il est question d’innover et de mettre en place de nouveaux outils. (Lire ici)
Un séminaire dans l’ADN donc de l’entreprise. Ce fut un week-end à Erquy, au « Roz Armor, un des plus beaux cadres de Bretagne entre le Cap Fréhel et le Cap d’Erquy » nous dit le site internet où l’on peut lire encore : Un « Village Vacances, les pieds dans l’eau (…) de 9 ha, 77 chambres, dont 26 avec vue sur mer... » Les frais ont été pris en charge par les élus, les adjoints et les conseillers municipaux.
Florian Bercault, rappelons-le, à la veille du second tour des Municipales déclarait : « Même si, avant la campagne, nous n’étions pas forcément sur la même ligne, le dialogue a été constant… Nous sommes en phase avec nos valeurs… » Leglob-journal écrivait (Lire ici) ; « Demain Laval ensemble, écologique et solidaire, [est le] fruit du rassemblement d’hommes et de femmes issus de plusieurs gauches assez différentes, du Parti Socialiste à la Gauche Républicaine et Socialiste (GRS) , en passant par EELV, le PCF, Génération-S et PRG-Le centre gauche. Des formations de gauche plus ou moins radicales. Ce rassemblement [des deux listes] qui n’avait pas pu être possible avant le premier tour, fut réaliser pour la fusion au lendemain du premier. Très rapidement. » Il s’est agit d’absorber les « radicalités » qui peuvent se faire jour dans la majorité municipale. Lorsque l’habitude prend le pas et que la routine s’installe un tant soit peu, il est plus aisé que des dissentions refassent surface…
Laval, c’est la ville, mais c’est aussi l’Agglo. Une dimension spécifique et élargie des quatorze communes qui composaient auparavant le Pays de Loiron, dissout sur décision administrative, des collectivités qui sont venues se greffer sur décision préfectorale à l’Agglo de Laval. La voilà depuis 2019 qui pèse à présent trentre-quatre communes toutes différentes les unes des autres, avec autant de maires sur lequel le directeur de cabinet doit avoir la main. Pour le Président Bercault, il faut aussi de la « prudence » et toute l’intelligence nécessaire dont il dispose pour manœuvrer avec une majorité politique au sein de l’Agglo plutôt proche de la majorité départementale, c’est-à-dire à droite et donc conservatrice et loin du bord politique de la coalition de gauche qu’il préside.
Comment exister quand on évolue à gauche dans un département majoritairement conservateur? Comment se faire entendre et vouloir changer les habitudes ? Certainement pas en donnant l’impression d’avaler des couleuvres. Surement pas en s’abaissant à accepter sans rien dire… Mais en essayant de fixer soi-même la ligne musicale et en distribuant la partition. Ce qu’a fait Florian Bercault sur le dossier de l’Université catholique de l’Ouest par exemple, qui se définit comme une « université » mais qui reste confessionnelle, et en élargissant ce dossier clivant à la problématique de l’enseignement supérieur tout entier à redéfinir.
Volonté de temporiser, et de donner du temps au temps. Laisser la tempête, c’est l’assurance du retour au calme et de l’apaisement. Florian Bercault déclarait publiquement en conseil communautaire (Février 2021 : « Ce que je souhaite, c’est avoir une visibilité sur les projets d’Enseignement supérieur, et bien m’assurer que les projets qu’on finance, qu’on va développer dans les années à venir soient cohérents avec les aspirations de cette nouvelle gouvernance et celles du territoire, de nos forces vives, de nos jeunes, de nos entreprises bien évidemment. Je crois qu’il est plus que nécessaire d’avoir un débat sur ces questions là et je ne voudrais pas les devancer…« . Et récemment au Glob-journal, le président-maire ajoutait plutôt fièrement : « Cette histoire de l’UCO, c’est une réussite, non ? » …
Quand à l’examen et au vote en séance publique, Florian Bercault devait ajouter : « C’est prévu, pour la prochaine réunion de Laval Agglo, et si cela n’a pas été inscrit à l’ordre du jour du conseil d’agglomération du 31 janvier 2022, c’est pour des raisons purement administratives… » ◼
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