Celui qui lancera «vous n’avez pas le monopole du cœur» à François Mitterrand qui l’avait qualifié en retour d’«homme du passif» au cours du débat télévisé de la Présidentielle de 1974 devrait être à la Baroche-Gondouin le 7 septembre. VGE est en effet l’invité de Yannick Favennec le député UDI du Nord Mayenne qui se veut le « défenseur de la Mayenne rurale ». Le parlementaire qui a pris l’habitude de faire sa rentrée politique et sa com’ dans ce petit village de sa circonscription lui a demandé de venir y participer. En “guest star”, et 40 ans après être entré à l’Élysée, Valéry Giscard d’Estaing sera donc mayennais.
Par Thomas H.
Giscard à la Baroche-Gondouin, dans la France de la campagne profonde, c’est en quelque sorte un retour sur investissements, car lors de la présidentielle d’il y a 40 ans, deux agriculteurs sur trois en France et en Mayenne avaient voté VGE plutôt que la gauche et Mitterrand. Il ne fallait rien bousculer du conservatisme ambiant, car l’heure était au « changement dans la continuité ». Ce qui dans la ferme et l’étable était rassurant.
Yannick Favennec, le député du Nord Mayenne, nouvel arrivé à l’UDI et transfuge de l’UPM, ressort donc VGE du panier de l’Histoire. Un « homme du passif» avait jugé François Mitterrand qui lui renvoyait un chien de sa chienne, parce que VGE lui avait ravi la vedette en 1974 au second tour des élections présidentielles, en le coiffant au poteau. C’était quand la France n’était pas prête pour l’alternance.
Cette année là, en 1974, c’est donc «le Giscard » maire Républicain Indépendant de Chamalières qui entre donc à l’Élysée, et aux affaires. Il en sortira en tournant le dos aux Français. Des images télé surprenantes qui resteront célèbres et feront le bonheur des humoristes. « Bon choix madame, bon choix mademoiselle, bon choix monsieur…» pastichait Thierry Le Luron.
1974, le Front de libération de la Bretagne, le FLB, – et cela fera du bruit dans le landernau-, fera sauter le pylône de l’émetteur de l’ORTF de Roc Trédudon. Avertissement ? Mauvaise augure ? Les 7 ans à venir seront, en tous cas, émaillés de dossiers « compliqués à gérer » et qui ne laissent pas d’interroger.
Sur le plan de la politique politicienne, Jacques Chirac est nommé Premier ministre pendant le septennat de Giscard et c’est le début du désaccord entre les deux hommes. C’est également une femme Simone Veil qui devient ministre de la Santé. Elle militera de belle manière pour l’instauration de l’IVG. Interruption Volontaire de Grossesse qui sera adopté en 1979. VGE créera aussi dès les premiers mois de son entrée au pouvoir un secrétariat d’État à la condition féminine qu’il confiera à la directrice de l’Express Françoise Giroud. Jeune et moderne, c’est d’ailleurs le signe de ce septennat naissant notent les observateurs du moment.
De nos jours, cela fait un bail qu’on n’ entend plus parler de celui qui s’invitera à dîner chez des familles de « Français moyens ». Pour créer de la proximité et faire peuple. Déjà de la com’ présidentielle. La dernière fois qu’il a été question de Giscard, c’est lorsqu’il a présidé la Commission pour l’élaboration du Traité constitutionnel que les Français ont rejeté majoritairement en 2005. Il avait alors fait des pieds et des mains pour avoir une chambre d’hôtel payée « aux frais de la princesse » qu’il estimait « digne de son rang ».
Élu, c’est sous son septennat en 1976 que les premiers plastiquages du FLNC se font entendre en Corse. Il y aura eu en France – selon le recensement effectué par Roger Faligot et Jean Guisnel, auteurs de Histoire secrète de la 5ème République (Ed. La Découverte) – une quarantaine d’assassinats politiques sous sa présidence.
En juillet de l’année 1975, la justice est frappée de plein fouet. C’est le juge François Renaud surnommé « le Shérif » en raison des ses méthodes un peu musclées et qui enquêtait sur le Gang des Lyonnais et les connexions du SAC – « police parallèle » au service des gaullistes qui sera dissoute en 1982 par François Mitterrand après la tuerie d’Auriol – qui est assassiné dans les rues de Lyon. Prélude, en quelque sorte à un bis repetita, avec l’assassinat du Juge Michel qui se fera «descendre » à Marseille en 1982 « sur ordre d’un trafiquant de drogue ».
Dans l’histoire de France, VGE restera notamment comme un président « hautain » et comme l’homme du « mépris ». Les révélations le 10 0ctobre 1979 du Canard Enchaîné déclenche « l’affaire des diamants ». Des diamants offerts par Jean-Bedel Bokassa, empereur de Centrafrique, alors que VGE était ministre des Finances. Un cadeau bien embarrassant quand par la suite on devient Président de la République.
Vingt jours plus tard, alors que la campagne médiatique à bien galoper, Robert Boulin l’ex-ministre du Travail est retrouvé mort dans un étang de la forêt de Rambouillet. Aujourd’hui la justice n’a toujours pas fait la lumière sur cette affaire.
Des « morts louches », il y en aura eu sous le règne de VGE ! Comme celle de ce militant tiers-mondiste Henri Curiel dont le crime en 1978 ne sera lui aussi jamais élucidé. Le 1er Février 1980 un ex-ministre de l’Éducation nationale Joseph Fontanet sera abattu d’une balle dans la poitrine en plein Paris. Il aura le temps de souffler aux policiers : «On m’a tiré dessus…Ils étaient en voiture… »
VGE, c’est aussi Maurice Papon un de ses anciens ministres qui fut secrétaire général de la préfecture de Bordeaux de 1942 à 1944 et qui fut accusé d’avoir avalisé la déportation de 1690 juifs et inculpé de crimes contre l’humanité le 19 janvier 1983. Sans commentaire.
Manifestement, entre le « monopole du cœur » qui avait fait la différence en faveur de VGE et « l’homme du passif » selon l’expression de Mitterrand qui l’avait renvoyé aux oubliettes médiatiques en lui permettant de tourner le dos aux Français, il s’en sera passé des choses sous le règne de Valéry Giscard d’Estaing. Pour peu qu’on veuille bien s’intéresser à l’Histoire de France dans toute sa plénitude!