Covid et « gros vide de sens » – Par Nicolas Chomel 🔓

Le globe est masqué en raison du covid-&ç

Près de cinq mois après la sortie du confinement décidé mi-mars pour contenir l’épidémie de Coronavirus, les français vivent depuis, selon Nicolas Chomel, « dans une forme de sidération nourrie par une communication médiatique aussi abondante qu’anxiogène et des décisions gouvernementales aussi stupéfiantes qu’inappropriées ». Et voici venir à présent la notion de « couvre-feu », rhétorique guerrière à nouveau reprise par le chef de l’Etat. Avec force détails et références, notre contributeur fait le lien entre cette pandémie, la peur de l’effondrement, et la révision qu’il suggère de la notion de progrès.

Pour « tomber le masque et relever la tête »

Par Nicolas Chomel


Au mois de juillet, la Mayenne était montrée du doigt comme foyer, pardon de cluster, de recrudescente épidémique et des mayennais en vacance en dehors du département ont eu à subir l’ostracisation voire le taggage de leur voiture.

Le ministre de la santé découvrant soudain l’intérêt préventif du port du masque et du dépistage, jugés inutiles en février, et ayant surtout trouvé des fournisseurs, décidât de rattraper son retard. Peu à peu le port du masque en extérieur est rendu obligatoire dans de nombreuses villes et le nombre de tests explose (plus de 10 millions depuis mai et 200000 par jour depuis septembre). Mercredi 23 septembre, le ministre de la Santé annonçait de nouvelles restrictions pour les réunions publiques, les horaires d’ouvertures de bars et restaurants.


Dépistage volontaire en Mayenne
Dépistage volontaire en Mayenne – © leglob-journal

Comme l’écrit un ami mayennais sur un célèbre réseau « social » : « Covid les bars, Covid les restaurants, Covid les cinémas, Covid les piscines, Covid les salles de sport, Covid les salles de spectacles » et il aurait pu ajouter Covid de sens. En effet, même si le nombre de « cas positifs » augmente, et pour cause, la deuxième vague épidémique ne se manifeste toujours pas dans les hôpitaux, ni par le nombre des admissions, ni par celui des décès.

Le décalage entre les annonces catastrophiques, la réduction des libertés et la réalité de la situation sanitaire commence à réveiller l’indignation des professionnels pénalisés par les nouvelles restrictions mais aussi des scientifiques, universitaires et professionnels de santé qui dénoncent la politique sanitaire du gouvernement (ici).


Un tableau de statistiques liées au covid-19

La communauté scientifique et médicale, elle-même composée de gens super diplômés et compétents, se divise à propos de l’épidémie, de sa gravité et sur les mesures sanitaires qu’elle requiert. Entre la peur du virus et celle du gendarme, les français sont comme abasourdis, inquiets et ne sachant plus quelle vérité croire.


Tout peut s’effondrer?


Cette situation d’inquiétude collective mêlée à un sentiment d’impuissance provoquée par une pandémie mondiale vient en résonance avec une autre source d’angoisse : celle de la catastrophe écologique liée en particulier au dérèglement climatique, et au possible effondrement économique, social et civilisationnel qu’elle annonce. Depuis la parution du livre de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer (Seuil, avril 2015), les publications se succèdent, abondamment relayées par les médias. Les auteurs, inventeurs d’une nouvelle discipline scientifique, la collapsologie, posent un diagnostic très détaillé et documenté du réchauffement climatique, de la « sixième extinction » de la biodiversité, de l’épuisement des ressources naturelles et minières et des risques majeurs qu’ils entraînent pour l’humanité toute entière.

Malheureusement, leur propos alarmiste et anxiogène ne laisse entrevoir aucun espoir d’éviter la catastrophe finale, tout juste nous invite-t-il à nous adapter, à faire preuve de « résilience » pour survivre autant que possible dans un monde devenu invivable. Ils n’évoquent pas la responsabilité d’un système industriel, consumériste et productiviste dans la situation où nous sommes et le mot capitalisme ne fait pas partie de leur vocabulaire.

Il apparaît que l’attitude des citoyens (peur, obéissance sans adhésion, colère refoulée) et les discours des collapsologues traduisent une même angoisse collective sur l’avenir et une perte de perspectives. Or, le psychanalyste Roland Gori nous dit ( Et si l’effondrement avait déjà eu lieu , Les liens qui libèrent, juin 2020), citant son confrère britannique Donald Winnicott, que « la crainte clinique de l’effondrement (breakdown) est la crainte d’un effondrement qui a été éprouvé », en ce sens que « le traumatisme a bien eu lieu mais à un moment où le patient n’était pas en mesure de l’éprouver, c’est-à-dire qu’à ce moment de son histoire, il n’avait pas la possibilité d’intégrer le traumatisme qui surgissait. »


Une tornade, fabrication de l’Homme qui modèle la nature

L’angoisse d’une catastrophe à venir serait l’écho d’une autre, antérieure, qui aurait été effacée de la conscience dans un réflexe de défense. Roland Gori voit dans les discours sur l’effondrement, l’écho de celui d’une façon de voir le monde avec laquelle nous avons été construits mais à laquelle, au fond, nous ne croyons plus.

Cette vision du monde qui s’est déjà effondrée et nous laisse sans voie et donc sans voix c’est, d’après Roland Gori, la foi dans « le progrès » née à la fin du 19ème siècle sur les fondements de la science et en particulier de la mécanique newtonienne et de l’évolutionnisme darwinien. Pour la physique classique, dite newtonienne en référence au théoricien du mouvement des corps, de l’inertie et de la gravitation universelle, la matière serait constituée de corpuscules élémentaires reliés entre eux par des forces (cinétique, thermodynamique, électromagnétique) et évoluant suivant des lois mathématiques prévisibles. Dans le domaine de la biologie, Charles Darwin a théorisé l’évolution des espèces végétales et animales qui ont dû s’adapter aux variations de leur environnement pour survivre. C’est selon lui la sélection naturelle qui fait que seuls ceux qui survivent, les plus robustes ou les plus « agiles », se reproduisent et ont des descendants.


« L’american way of life »


Pour Darwin, les humains descendent d’autres primates et ce n’est pas Dieu qui les a créés à part. La théorie de l’évolution a été transposée aux sciences sociales et à l’économie par un contemporain de Darwin, Herbert Spencer. L’ingénieur et sociologue reprit l’idée de sélection naturelle qu’il qualifiait de « sélection des plus aptes » pour l’étendre à l’évolution de l’homme et des sociétés. Il considère que la compétition, la lutte pour la vie, affecte, à l’intérieur de l’espèce humaine, les différents groupes sociaux qui la composent (familiaux, ethniques, étatiques) de telle sorte que des hiérarchies se créent, qui sont le résultat d’une sélection sociale qui permet aux meilleurs de l’emporter.

Bien que Charles Darwin ne partageait, semble-t-il pas l’interprétation sociale de l’adaptation des espèces, les travaux de Spencer ont donné lieu à un mouvement de pensée qualifié de Darwinisme social qui a perduré bien au-delà de la vie de son auteur. La foi dans le progrès, née à la fin du 19ème (avec le début de la déchristianisation) est à la croisée de la pensée matérialiste de la mécanique newtonienne et de l’évolutionnisme darwinien. Le progrès comme une flèche du temps pointant vers le haut est une promesse d’amélioration continue du savoir, du confort matériel et du bien-être humain, mû par la science, la technologie et l’industrie. Cette philosophie a nourri la légitimation du capitalisme industriel et du libéralisme politique qui le soutient.

Il a pourtant été contesté dès l’origine, en particulier dans le domaine industriel où le développement des machines et de l’accélération des processus productifs qu’elles permettent, se heurtait au travail humain et aux métiers. Dès le début des années 1800, le mouvement ouvrier des luddites s’en prenait aux métiers à tisser modernes, qu’il détruisaient, suivi par celui des canuts lyonnais.

Mais c’est au début du 20ème siècle que la foi dans le progrès connut ses plus grosses déconvenues avec ses deux guerres mondiales industrielles et leurs puissances de feu aussi destructrices qu’absurdes, le darwinisme social poussé jusqu’à l’eugénisme de masses et à l’holocauste par le nazisme, jusqu’au point final marqué par la bombe atomique.

Pourtant, l’idée que la science, la technologie et l’industrie seraient forcément créatrices d’améliorations pour l’humanité ne s’est pas éteinte. Au contraire, elle s’est consolidée et a infusé les esprits, s’est déployée dans le monde, accompagnant, en l’anticipant, le développement du modèle économique capitaliste et de « l’american way of life ».

Le président français Nicolas Sarkozy s’en faisait le héraut quand il déclarait dans son discours de Dakar en juillet 2007 « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. ». Le darwinisme social a survécu à la chute du nazisme et en est même sorti renforcé en s’installant dans les principes du management enseignés dans les « Business Schools », comme l’explique l’historien Johann Chapoutôt (ici).

La concurrence, la compétition, l’efficacité, la flexibilité, la psychologie positive et le «happiness management » sont les mots clés de la formation et de la sélection des plus aptes. Ils sont aussi les ingrédients d’un modèle capitaliste conquérant et de sa promesse de progrès au service de l’humanité. Dans ce contexte, les petites phrases d’Emmanuel Macron prêtent à sourire autant qu’elle fâchent quand il vante les « premiers de cordée » et toise avec mépris les gens qu’on croise dans les gares et « qui ne sont rien ».


Le « modèle Amish »


De même croit-il dur comme fer que les défis écologiques seront résolus par la magie des nouvelles technologies et de la 5G et non en suivant le « modèle Amish ». « La France est le pays des Lumières, c’est le pays de l’innovation » croit-il bon de rappeler. Et il a raison car, sur ce terrain-là, même ses adversaires politiques les plus virulents peuvent tomber d’accord, car toucher aux Lumières, c’est toucher au sacré. Les militants de la gauche radicale rêvent de lendemains qui chantent et du « grand soir ». Comme le dit le sociologue Bernard Friot, « il y a dans certaines pratiques militantes, une forme de croyance au ciel, et le ciel, dans la religion laïque dans laquelle nous sommes, s’appelle Demain ».

Et dans ce « demain » qui annonce le retour des jours heureux, la science a un grand rôle à jouer pour que l’être humain soit « créateur de lui-même ». Cette foi dans la science et la technologie comme porteuses de progrès imprègne tous les domaines de la vie sociale, depuis les appareils qui nous accompagnent au quotidien (les objets connectés dont la 5G n’est que le fluide qui les alimente) jusqu’à la reproduction et la sélection des humains grâce à la PMA, en passant par la résolution des problèmes de santé (notre salut viendra des médicaments, des vaccins et autres nanotechnologies promises par l’industrie pharmaceutique et biotechnologique). On n’arrête pas le progrès et rien ne saurait freiner l’innovation techno-industrielle.


Dépistage volontaire en septembre 2019

La science trouve, l’industrie applique et l’homme doit s’adapter… Pourtant, comme le disait Georges Orwell, « quand on me présente quelque chose comme un progrès, je me demande avant tout s’il nous rend plus humains ou moins humains » (ici). Or, les nouvelles technologies ont leur part d’ombre qui inquiète plus qu’elle n’enthousiasme les citoyens qui en sont à la fois les producteurs et les consommateurs, bénéficiaires et victimes. D’abord, l’artificialisation de la vie et du monde qu’elles contribuent à créer, les quantités considérables d’énergie, d’eau et de ressources minières qu’elles mobilisent, les conditions de travail et de vie désastreuses qu’elles imposent aux travailleurs des pays producteurs, des mines de cobalt en République démocratique du Congo jusqu’au usines chinoises de Huawei (ici).

C’est encore « la science qui innove » qui alimente la course aux armements, la surveillance de masse des populations, l’addiction de nos enfants aux écrans et l’asservissement des travailleurs à leurs machines jusqu’à ce que celles-ci les remplacent. C’est le progrès scientifique et technique qui inonde les campagnes sous les pesticides et les engrais chimiques, transforme les paysans en maillons d’une « supply chain » alimentaire dont on attend toujours plus pour un prix toujours moindre.


La notion de progrès?


Alors, la notion même de progrès pose question. Est-ce bien cela que nous voulons ? Cette flèche du temps pointée vers le haut, vers toujours plus de biens et de confort matériel, au prix de dégâts écologiques et sociaux considérables est-elle une fatalité ? Est-il tellement déraisonnable de douter des bienfaits de la science dont nous célébrons la fête chaque année à cette époque ? Peut-on discuter des orientations de la science ou bien doit-on admettre que ce qui est techniquement faisable est bon pour l’humanité comme le claironnent les adeptes du transhumanisme et de l’homme « augmenté » devenu le clone des robots qu’il fabrique ?

Les réponses à ces interrogations existentielles et philosophiques se trouvent dans la science elle-même, mais la science la plus contemporaine, celle qui s’intéresse à l’infiniment petit (l’atome, ses ondes et ses particules) et à l’infiniment grand (l’univers et la cosmologie) : la physique quantique. Initiée par Max Planck en 1900, puis développée essentiellement par Albert Einstein, Niels Bohr, Louis de Broglie et quelques autres entre 1905 et 1924, cette théorie a bouleversé le mode de pensée hérité de la la mécanique newtonienne de la fin du 19ème siècle. N’étant pas physicien moi-même (et même plutôt hermétique à l’âge du lycée), j’en retiens toutefois les grands principes suivants :

  • D’abord, la discontinuité inscrite dans l’étymologie du mot quantique : elle reconnaît que les phénomènes physiques ne suivent pas des lois linéaires et prévisibles mais connaissent des changements d’état, des « sauts quantiques ». C’est ce principe qui fait qu’un degré supplémentaire de réchauffement climatique peut provoquer des changements majeurs sur les conditions de vie humaine sur la planète.

la métaphore du poisson soluble

  • Le principe de superposition : un objet quantique peut être dans plusieurs états à la fois (nature, position, vitesse, sens de rotation d’une particule par exemple). C’est l’exemple du « poisson soluble » d’André Breton qui nage dans une eau boueuse et qui est potentiellement partout à la fois dans la mare (Cf. image) jusqu’à ce qu’il morde à l’hameçon. C’est aussi celles des photos prises de nuit de voitures circulant en ville et dont on ne voit que des traits signalant leur mouvements .
  • L’indéterminisme de la mesure : Ce principe, sans doute le plus troublant pour les physiciens classiques, confirme que le fait d’observer et de mesurer un objet ou un phénomène, modifie l’objet ou le phénomène mesuré. Ce principe balaye l’idée classique d’une réalité « objective » indépendante du regard que nous portons sur elle. Le physicien Hervé Swirn considère même que « c’est la prise de conscience du résultat par l’observateur qui fait que le phénomène observé existe » (ici).
Flux de trafic automobile en ville

On peut se dire que la mécanique quantique ne s’applique qu’à l’étude des atomes et des particules ou à celle de l’univers et de l’infiniment grand, mais pas à l’échelle macroscopique. Et bien, non. Hervé Stirn affirme que la physique quantique s’applique à tout, y compris aux objets macroscopiques, mais que c’est la conscience qui sert de filtre qui fait que nous avons une vision macroscopique du monde qui nous entoure.

La physique quantique a déjà un siècle d’existence et pourtant, la plupart des disciplines scientifiques et en particulier, la biologie et les sciences sociales continuent de voir le monde sous l’angle du mécanicisme naïf, c’est à dire comme une grande horloge sophistiquée dont ont pourrait décrire tous les éléments et leurs rouages et prévoir le mouvement avec précision. Ainsi, des bataillons de chercheurs sont ils lancés dans une course des modèles prédictifs élaborés avec le recours à la puissance de calcul des algorithmes informatiques. C’est le cas chez Météo France qui depuis 2009 a fermé de très nombreuses stations météorologiques de proximité (dans le cadre du « contrat d’objectifs et de performance » signé avec l’État) et confie la prévision du temps à des informaticiens et à leurs modèles prédictifs dont on mesure chaque jour la fiabilité. De même pour l’étude de la pandémie de Covid 19 dont l’évolution annoncée en mars par les chercheurs de l’Imperial college de Londres (spécialistes de la modélisation des épidémies) provoquerait entre 510 000 et 2,2 millions de morts respectivement au Royaume-Uni et aux Etats-Unis (ici), et sur la base de laquelle les gouvernements français et britannique ont décidé de confiner leurs populations.

Pourtant, elle devrait nous inviter à réviser notre façon de voir les choses et à ne pas nous laisser méduser par la flèche du temps pointée vers le haut que nous montrent les adeptes du progrès, de la croissance salvatrice et du capitalisme libéralisé, ou au contraire de celle, pointé vers le bas des déclinistes et autres collapsologues. La relation étroite entre l’observateur et le phénomène observé concerne tout particulièrement le travail des historiens qui mettent en récit les archives et autres traces du passé et dont Paul Veyne (cité par Roland Gori) écrit : « la cueillette des traces des historiens fait partie de la méthode historique, mais croire qu’elles parleraient toutes seules sans la participation subjective et sociale de l’historien relève de l’illusion positiviste ». Il n’y a donc pas une histoire objective, linéaire et continue mais plutôt des événements marquants et des récits qui leur donnent sens.


Un avenir incertain?


Quand Bernard Friot, sociologue spécialiste de l’histoire de la protection sociale, relit la création du régime général de sécurité sociale entre 1946 et 1947 comme une conquête gagnée de haute lutte et à la hâte par le ministre Ambroise Croisat et les militants de la CGT et balaye d’idée communément admise du compromis entre gaullistes et communistes, il invite le mouvement syndical et la CGT en particulier à se réapproprier son histoire et à ne pas s’inscrire dans le récit patronal. Il souligne également que le capitalisme n’est pas le rouleau compresseur qui broie inexorablement les travailleurs et laisse les victimes sur le bord de la route mais une contradiction en actes dans la lutte de classes que des événements peuvent faire basculer au profit du monde du travail (front populaire de 1936, libération par le CNR de 1945, mai 1968) ou de la bourgeoisie possédante (création du marché commun européen, chute du mur de Berlin).

L’avenir n’est donc pas écrit d’avance et des grains de sables peuvent gripper des machines même bien huilées. Des révoltes de grandes ampleurs peuvent être déclenchées par une augmentation du prix des denrées alimentaires (Cas du printemps arabe de 2011), de celui du ticket de métro (Chili, octobre 2019) ou par l’annonce d’une hausse de la taxe sur le gasoil (Mouvement des gilets jaunes en novembre 2018).


Trou noir, effondrement écologique?

Quant à l’effondrement écologique, si le monde toujours orchestré par l’hymne du progrès et de la croissance capitaliste, même repeints en vert, continue sa course folle, certes il peut être pour bientôt. Mais en cas d’arrêt de la production, la nature reprend vite sa place comme on a pu l’observer en regardant le ciel pendant les deux mois de confinement. Alors, comme l’écrivait Gébé en 1972 dans son An 01, « On s’arrête, on réfléchit et c’est pas triste ».

Si on regarde notre société et son histoire comme une contradiction en acte suivant le principe quantique de la superposition d’états, on peut voir que le capitalisme vit et progresse en même temps que son antidote. Tout est déjà là pour qu’un changement radical d’orientation soit pris : une histoire ouvrière combative et victorieuse, la sécurité sociale et son mode salarial de distribution de la valeur ajoutée produite, le statut de la fonction publique et son droit au salaire continué au-delà de l’emploi, des leviers fiscaux qui ne demandent qu’à être activés au profit d’une plus grande justice sociale, les SCOP et leur fonctionnement anticapitaliste, l’agriculture paysanne et biologique qui séduit de plus en plus les citoyens consommateurs dégoûtés par l’agro-industrie productiviste et polluante, des scientifiques critiques et attachés à leur indépendance autant qu’à leur liberté de conscience, des médias critiques et indépendants des puissances d’argent, etc.

Demain est déjà aujourd’hui et il serait vain d’attendre le grand soir ou de croire à l’homme providentiel qui, faisant table rase du passé, apporterait à lui seul une solution miracle et un paradis sur terre. La situation actuelle nous presse de réfléchir, de faire un pas de côté pour voir le monde d’un nouveau point de vue comme l’ont fait avant nous Galilée, et plus tard les découvreurs de la réalité quantique. Mais cela prend du temps car, comme l’écrivent Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod en conclusion de leur livre Le cantique des quantiques  (ici), « il a fallu des décennies pour que l’hypothèse de Galilée sur la rotation de la terre soit acceptée et des siècles pour que sa condamnation par l’Église soit annulée. Combien de temps faudra-t-il pour ébranler les croyances actuelles ? ».

Près d’un siècle après les découvertes d’Einstein, Bohr, et leurs contemporains, à l’heure où la catastrophe écologique et humanitaire avance, poussée par les délires capitalistes et technico-scientifiques, il paraît urgent que les citoyens de France et du monde changent leur regard, reprennent le récit de leur histoire et leur destin en main. Alors peut être, reprenant espoir et confiance dans leurs propres capacités, ils pourront tomber le masque et relever la tête.


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