Enseignement : une Lettre ouverte au recteur de l’académie de Nantes 🔓

le logo du lycée Paré à Laval

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Une Lettre ouverte à William Marois, le recteur de l’Académie de Nantes qui était « présent mardi 23 mars 2021, dans le cadre de la semaine de la presse, au lycée Ambroise Paré de Laval, pour saluer le travail d’élèves et de professeurs. » Par cette lettre, « les personnels souhaitent alerter le recteur sur la situation difficile dans nos établissements. » indique la Fédération Nationale de l’Enseignement de la Culture et de la Formation Professionnelle Force Ouvrière en Mayenne qui déclare « soutenir les personnels signataires ».

Catalogue revendicatif à la Prévert

Par la FNEC-FP FO 53*


la belle lettre L sur leglob-journal


La réforme du baccalauréat crée une forte dégradation de nos conditions de travail : elle devait offrir une plus grande liberté de choix aux élèves or depuis sa mise en œuvre (2 ans!), ils doivent choisir des spécialités, déterminantes pour leurs études post-bac, dès le deuxième trimestre de seconde. Le contrôle continu se généralise. Ce mode d’évaluation place les élèves sous pression toute l’année puisque nous les évaluons en permanence s’opposant, de ce fait, totalement à la bienveillance si chère à notre ministre.

La réforme du baccalauréat a également pour conséquences l’exposition des professeurs à des réclamations et des contestations incessantes de la part des élèves, de leurs familles, voire parfois des chefs d’établissement.

Nous constatons des inégalités entre élèves, collègues, ainsi qu’une concurrence entre disciplines et établissements d’un même territoire. Aujourd’hui nous considérons donc que le premier grade universitaire qui doit permettre l’équité d’accès à la filière de son choix est en danger.

Les programmes, chargés dans de nombreuses matières, ne sont pas à la portée du plus grand nombre d’élèves avec les horaires octroyés. De moins en moins d’heures pour chaque classe ou groupe, et une pression plus forte pour les heures supplémentaires impliquent un surcroit de travail pour de nombreux enseignants.


La disparition du groupe « classe »


Il isole de plus en plus les enseignants. Un enseignant ayant au sein d’un même groupe de spécialité des élèves issus de différentes classes : comment assurer un suivi satisfaisant des élèves? Comment mener à bien les missions de professeur principal sans avoir tous les élèves en classe et donc sans les connaitre ?

Souvent ce sont désormais les enseignants du tronc commun qui se voient confier cette tâche. Certes, ils voient tous les élèves, mais bien souvent que très peu d’heures ! Le tronc commun, équilibré en seconde, est déséquilibré en cycle terminal : un élève qui souhaiterait colorer son BAC « scientifique » ne peut pas avoir plus de 56% de sciences alors qu’un bac à dominante « littéraire » le sera avec 94% de matières littéraire. Comment penser qu’une telle situation, qui exclut et isole de nombreux enseignants, permette à tous les collègues de se sentir bien au sein du « nouveau lycée » ?

Les spécialités, qui ont permis de s’affranchir des filières, ont instauré une concurrence entre les matières : chaque année, les services des collègues dépendent des choix des élèves. Cette réforme, mise en place de manière précipitée, nous a mis dans des situations insupportables vis à vis de nos élèves et de leurs familles : des programmes connus tardivement, des modalités d’examen et de contrôle continu découvertes au fur à mesure, des délais trop courts pour préparer correctement les élèves aux épreuves, des questions encore sans réponse. Nous voulons bien préparer nos jeunes et les accompagner dans leurs choix : tout cela a été rendu particulièrement difficile.


L’entrée principale du lycée Ambroise Paré à Laval visité par le recteur – Photos © leglob-journal.fr

Comment peut-on faire confiance à un système qui, en nous mettant dans une telle posture, montre à quel point notre travail est incompris, voire méprisé ? Monsieur le Recteur, nous refusons la généralisation du contrôle continu comme nous refusons la mise en concurrence des établissements et les baccalauréats locaux. Nous voulons l’égal accès pour nos élèves aux études supérieures, nous voulons le maintien du baccalauréat avec des épreuves terminales, anonymes et ponctuelles.

A cela s’ajoute la gestion insupportable de la crise sanitaire par ce gouvernement, et en particulier par notre ministère : Comment accepter que notre ministre n’ait pas pris la mesure de cette crise ? En continuant de supprimer des postes, en n’anticipant pas la réduction drastique des effectifs dans nos classes, en refusant d’adapter les programmes… les élèves et les professeurs sont mis dans une situation intenable. Pourquoi ne pas acheminer du matériel de protection adapté et efficace mis à disposition gratuitement pour les personnels comme pour les élèves, recruter massivement des infirmières et des médecins scolaires, pour développer la médecine préventive dont l’Education Nationale est exsangue ?

Que dire du déploiement des tests dans les établissements, totalement dérisoire et inefficace ? Que penser d’un ministre qui confond sur les plateaux de télévision taux d’incidence et taux de positivité lorsqu’il évoque la mise en place des tests dans les établissements ? Comment accepter que certains établissements soient passés en hybride alors que d’autres soient restés à 100% de présentiel? Comment comprendre qu’alors que le taux d’incidence soit élevé en Mayenne, certains établissements reprennent à 100% alors que d’autres non? Tout cela sans allégement des programmes. Certes les épreuves de mars ont été annulées, mais quid des épreuves de français et philosophie? Encore une fois où est l’équité du BAC dans de telles conditions?


Monsieur le Recteur, nous sommes las


Nous sommes fatigués et en colère. Cette situation catastrophique n’est pas le fruit du hasard mais la conséquence directe du refus du ministre d’accorder des moyens supplémentaires pour faire face à la pandémie et de répondre à notre exigence d’un véritable plan d’urgence pour recruter les enseignants, les AESH, les infirmières, les psychologues et les médecins scolaires qui font tant défaut. Alors que parallèlement, notre ministère annule en janvier des crédits 2020 pour un montant de plus de 212 millions d’euros. Ensuite ce sont 40 millions, et enfin le 12 février encore 400 millions supplémentaires pris sur le budget de l’Education Nationale pour l’année 2020. Au total ce sont plus de 600 millions au détriment de la création de postes, et des moyens pour l’école. Dans le même temps, le ministre continue de dérouler son agenda social, il rend les conclusions d’un Grenelle, véritable machine à casser l’école publique, dont l’enveloppe est bien inférieure à ses économies. Il s’agit bien, sous couvert de «revalorisation », de poursuivre la déréglementation des missions des personnels et la casse de leurs statuts. Dans le même temps, les AESH vivent pour la plupart sous le seuil de pauvreté, sans statut. Il n’a même plus les moyens pour recruter à hauteur des besoins. En Mayenne, en février pour 130 élèves notifiés vous n’avez débloqué qu’une enveloppe de 8 ETP. Et près de 2000 postes sont supprimés dans le 2nd degré.

Dans le même temps, les salaires des enseignants sont toujours en baisse. (Rappelons que pour un professeur des écoles à l’échelon 11 de la classe normale, la perte de pouvoir d’achat subie en 20 ans est de 655,65 € brut mensuel). Dans le même temps, le ministère n’a pas les moyens de fournir du matériel de protection adapté dans
les écoles. La liste est encore tristement longue, et nous allons conclure ce courrier.

Monsieur le Recteur, nous attirons votre attention sur la situation catastrophique dans nos établissements. Nous sommes au bord de la rupture, et nous portons le système à bout de bras. Nous voulons le respect de nos missions par l’augmentation des salaires, et les créations de postes statutaires nécessaires. Nous voulons être protégés et travailler dignement. Soyez assuré, monsieur le Recteur, de notre détermination à défendre le service public d’Education, à défendre notre outil de travail. Des professeurs, AESH, et personnels du département fatigués et en colère.


*Lettre ouverte soutenue par FNEC-FP FO 53 (Fédération Nationale de l’Enseignement de la Culture et de la Formation Professionnelle Force Ouvrière en Mayenne) et des collègues non syndiqués.◼


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