« Faire entrer la lumière dans l’esprit du peuple » – par Jean-Luc Bansard 🔓

la liberté guidant le peuple de Delacroix

« Aujourd’hui : je suis professeur d’histoire et je m’appelle SAMUEL PATY » nous écrit Jean Luc Bansard, qui se présente lui-même comme un « Artisan du théâtre du Tiroir », un lieu de créations à Laval qu’il dirige depuis plusieurs années en ayant choisi de faire un travail de programmation théâtrale sur la solidarité et l’ouverture à l’autre. Jean-Luc Bansard nous a fait parvenir ce texte, à propos de ce professeur d’Histoire odieusement assassiné, un écrit, « avec Riss de Charlie Hebdo et Victor Hugo…« 

« La guerre des lumières pour Samuel PATY »

Par Jean-Luc Bansard*



Si le crime qui a tué SAMUEL PATY est si difficile à nommer, c’est parce qu’il a été commis au nom d’une idéologie fasciste nourrie dans les ­entrailles d’une religion…

Et rares sont ceux qui comme SAMUEL PATY, comme le journal Charlie Hebdo, osent s’opposer aux exigences toujours plus pressantes des religions en général, et de certaines en particulier.

Le coupable du meurtre de SAMUEL PATY comme les coupables de Charlie et de l’hyper Casher, ou du Bataclan sont morts…. Mais leurs complices sont toujours là.

Ce sont la ­lâcheté, le cynisme, le pédantisme, l’inculture, la trahison, la couardise, le confort intellectuel, l’opportunisme, l’aveuglement, la suffisance, la superficialité, les calculs politiques, l’inconscience, la légèreté, le défaitisme, l’indécision, l’imprévoyance et mille autres travers qui, séparément, semblent anodins, mais qui, tous réunis, ont permis d’exterminer un professeur et les innocents du journal Charlie.

Ce vendredi 16 octobre 2020, comme à chaque fusillade commise par ceux qu’il faut bien nommer « des fous de Dieu » puisqu’ils tuent en son nom, les bourreaux ont actionné des armes dont le mode d’emploi avait été rédigé par d’autres.


« Se coucher, jamais… »


Pour écrire cette défaite collective, cette défaillance de notre société devant le crime, défaite de nous tous, les citoyens, il restera l’Histoire. L’histoire qu’enseignait SAMUEL PATY. Avec tous les êtres qui se disent humains, je veux crier dans la rue et chaque jour depuis la scène de mon théâtre … Je veux crier, nous devons tous crier : « Nous ne nous coucherons jamais ! »
L’anéantissement d’un être humain n’inspire que ­colère et chagrin. Car avec lui disparaît pour toujours sa connaissance du monde.

L’exécution de SAMUEL PATY ne vise qu’à effacer ses convictions laïques, celles de l’école républicaine qui m’a forgé, celles de la tolérance qu’il enseignait.

Victor HUGO disait en 1848 à l’Assemblée nationale qui voulait diminuer les budgets de l’école et de la culture déjà très faibles : « Qu’il faudrait multiplier les écoles, les chaires, les bibliothèques, les musées, les théâtres, les librairies ; il faudrait multiplier les maisons d’études pour les enfants, les maisons de lecture pour les hommes, tous les établissements, tous les asiles où l’on médite, où l’on s’instruit, où l’on se recueille, où l’on apprend quelque chose, où l’on devient meilleur ; en un mot, il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l’esprit du peuple ; car c’est par les ténèbres qu’on le perd. » Le criminel de SAMUEL PATY et tous ses complices sont dans les ténèbres.

Voilà pourquoi je continue à animer une compagnie de théâtre et à défendre une saison au Petit Théâtre 8 rue jean Macé où on entendra encore cette année toutes les langues du monde, comme ce dimanche 18 octobre, la magnifique langue d’AZERBAIDJAN… Et en novembre celles 18 réfugiés qui jouent ESCHYLE et Les Suppliantes. Je continuerai à dire les poètes au théâtre pour faire taire tous les obscurantismes qui sont par définition aveugles et porteurs de meurtre. Aujourd’hui, je suis professeur d’histoire et je m’appelle SAMUEL PATY ◼


*Jean-Luc Bansard est directeur du Théâtre du Tiroir à Laval en Mayenne


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3 thoughts on “« Faire entrer la lumière dans l’esprit du peuple » – par Jean-Luc Bansard 🔓”

  1. Dans le prolongement de ce meurtre, pour bien comprendre et pouvoir reconnaître les signes du mal, je vous propose la lecture de stefan Zweig « Érasme  » ainsi que « Les derniers jours  » de Michel de Jaeghere.

  2. Merci Jean Luc pour ce texte mais aussi et surtout pour tes spectacles en cohérence avec tes convictions.
    Hervé Richou

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