La gestion du maire de Gorron passée au crible par les magistrats de la Chambre 🔓

L'entrée de la Mairie de Gorron en Mayenne - photo leglob-journal.fr

Sans concession la chambre régionale des comptes Pays de la Loire a contrôlé les comptes et la gestion de la commune de Gorron (2 653 habitants) à partir de l’exercice 2015. Les magistrats font beaucoup de remarques et trois recommandations principalement à la municipalité de Gorron, une ville située au nord‑ouest de la Mayenne où le maire est élu depuis 25 ans, et membre de la communauté de communes du Bocage Mayennais (CCBM) – Verbatim

Épinglée en douceur mais en profondeur

Par leglob-journal


la belle lettre L sur leglob-journal

Les Meubles du Menhir, mais pas uniquement. La chambre régionale des comptes basée à Nantes fait trois recommandations à Jean-Marc Allain, le maire de Gorron et son équipe. En tout premier lieu, elle lui demande de « Respecter les statuts de la communauté de communes en n’intervenant plus dans ses domaines de compétences. » C’est dit.

Dans son rapport de vingt pages, la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire écrit : « Le contrôle de la commune a montré qu’elle conservait la gestion d’équipements culturels [l’’Espace Culturel Colmont, et le cinéma avec ses 220 places et ses 10 000 entrées annuelles, NDLR ] qui pourraient être gérés au niveau de la CCBM [Communauté de communes du Bocage Mayennais avec 27 communes, NDLR].

La chambre ajoute aussi que la commune de Gorron « s’était ingérée à plusieurs reprises dans des opérations de développement économique, compétence de la communauté de communes, de surcroît dans des conditions juridiques et financières contestables. » Ici, sans émettre de jugement d’ordre pénal, les magistrats font clairement référence à cet épisode des Meubles du menhir, également en cours d’instruction auprès de la procureure de la République de Laval qui doit rendre sa décision pour « prise illégale d’intérêts », et dont leglob-journal vous a révélé l’existence en début d’automne. C’est à lire ici.


la mairie de Gorron en Mayenne
La place devant la maire de Gorron en Mayenne – © leglob-journal

Les magistrats écrivent d’ailleurs que « trois cas peuvent être cités » comme s’ils n’avaient retenu que les principaux… Trois cas, dont celui des Meubles du Menhir justement. On peut lire : « L’achat du site des Meubles du Menhir en 2017 pour un montant de 291 000 €, dans le cadre d’une opération-tiroir destinée à l’extension d’une entreprise selon la délibération du 6 juillet 2017 actant l’achat. L’opération-tiroir prévue n’a pas eu lieu, mais l’acquisition du bâtiment a été effective. Or, il s’avère qu’il s’agissait du local de l’entreprise de la fille du maire, alors en liquidation judiciaire, et dont la commune avait d’ailleurs garanti le prêt en 2002. La délibération indique que ce bâtiment était le seul qui convenait à Gorron, ce qui montre, a minima, qu’il n’y a pas eu de réflexion à l’échelle du territoire intercommunal. La présence actuelle d’un locataire, non prévue lors de l’acquisition, devrait permettre sur le long terme de réduire le coût pour les deniers publics. »


Il faut lire les petites notes


Dans les petites notes de bas de page du rapport : ces quelques phrases qui éclairent d’un jour nouveau le dossier Meubles du Menhir. Les juges écrivent noir sur blanc que « Le maire de la commune a participé au vote de la délibération, en contradiction avec L .2131-11 du CGCT qui dispose : « Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires.» En réponse aux observations de la chambre, il a indiqué que la garantie d’emprunt accordée en 2009 prolongeait la garantie d’emprunt accordée en 1999 aux propriétaires précédents».

Cela semble mettre fin si on peut dire aux dénégations du maire de Gorron qui avait déclaré au Glob-Journal « ne plus savoir si [il] avai[t] pris part au vote ou non. »


Photo des notes de bas de la Page 8 du rapport - © leglob-journal
Photo des notes de bas de la Page 8 du rapport – © leglob-journal

Autre cas cité : cette « opération d’achat en 2018 d’un bâtiment jouxtant un autre bâtiment déjà possession de la commune, pour revendre les deux bâtiments fin 2019 à une entreprise désireuse de s’y développer. Les deux bâtiments ont été revendus 250 000 €, soit un prix légèrement plus élevé que la valeur à l’actif de la commune. La chambre s’interroge sur la plus-value de l’intermédiation de la ville dans cette opération, opération à laquelle la communauté de communes n’a pas été associée. »

Enfin les magistrats évoquent : l’ « achat en cession-bail du bâtiment ARC en juillet 2019, opération à la fois risquée financièrement et à la légalité mal assurée. Le coût en est de 250 000 € pour la collectivité, les loyers perçus pendant les quinze prochaines années permettant, sauf accident, d’équilibrer l’opération. La commune a financé l’opération alors que la communauté de communes, juridiquement seule compétente, avait refusé, par la voix de sa commission économique. » Manifestement, la ville ne semble pas vraiment tenir compte des recommandations, cette fois, de la Communauté de communes dans ces dossiers économiques qui sont de son ressort.

En matière de respect des deniers publics qui est un des chevaux de bataille de la chambre régionale des Comptes, celle-ci rappelle que « le montant cumulé des opérations Meubles du Menhir et ARC, soit 541 000 €, équivaut à plus de 40 % des impôts locaux annuellement payés par le contribuable gorronnais. Compte-tenu des risques pris dans un domaine qui échappe normalement à l’intervention communale, la chambre recommande à la commune de ne plus intervenir dans les domaines de compétences relevant de la communauté de communes. »

Dans les petites notes de bas de page du rapport, (Cf la photo ci-dessus) les magistrats écrivent encore à propos du bâtiment ARC cette fois et du montage financier : « L’entreprise a vendu le local dont elle était propriétaire à la commune qui le lui reloue, permettant ainsi à l’entreprise de restaurer sa trésorerie. À la fin du bail, l’entreprise recouvre son bien » …


« Un des endettements les plus élevés »


On vient de voir que la recommandation n°1 était copieuse. Dans la Recommandation n°2 cette fois, il s’agit pour les magistrats que la ville de Gorron puisse « Maîtriser les dépenses de charges générales afin de restaurer l’autofinancement« . Enfin en troisième lieu, il faudra disent-ils, « Poursuivre le désendettement de la commune. »

Un bon point toutefois saluent simplement les juges de Nantes : « Les services de la commune ont fait preuve d’une grande disponibilité et de réactivité dans le traitement des demandes de la chambre. »

Cela dit, « Les recettes de fonctionnement consolidées s’élèvent à 3,6 M€, et [la ville] employait 25 agents en équivalent temps plein en mai 2020. » note la Chambre régionale des comptes dans son rapport de vingt pages. Elle ajoute : « La commune n’est pas dans une situation financière favorable. Son endettement est l’un des plus élevés des communes similaires de la Mayenne, à hauteur de 1 243 € par habitant, contre 801 € en moyenne, pour les communes de la strate. Elle a cependant réduit celui-ci de 30 % entre 2015 et 2019, en ne contractant pas de nouveaux emprunts, [et] n’a pas non plus augmenté ses taux de fiscalité. (…) Fait rare, les dépenses de personnel sont restées stables au cours de la période, en raison des réductions d’effectifs permises par les mutualisations avec la communauté de communes et les associations. »

Distribuant bons et mauvais points, fruits de leurs observations rigoureuses, la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire épingle encore, toutefois la gestion de la ville de Gorron quand elle remarque : « Les produits de fonctionnement sont confortables si on les compare aux autres communes de même strate. Ses charges de fonctionnement, sont en revanche particulièrement élevées, ce qui obère sa capacité d’autofinancement. » Quant à « la réalisation de lotissements communaux, [elle] a été coûteuse et déficitaire. Le lotissement du Clos Normand, clôturé en 2018, présente ainsi un déficit de 74 000 € ; celui des 4 Épines pourrait être de 60 000 € si les dernières parcelles n’étaient pas vendues. »

Enfin la chambre note simplement sans faire plus de commentaire, mais cela est assez significatif que « la commune réévalue chaque année la prime de fin d’année versée aux agents de la commune au titre de l’article 111 de la loi du 26 janvier 1984 (…) la fonction publique territoriale. Cette pratique est irrégulière, les délibérations de versement de la prime prises avant cette date ne prévoyant pas d’indexation » … ◼


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