Regard sur le bilan électrique français en 2022 – Par Michel Lemosquet 🔓

La centrale nucléaire de Bugey dans l'Ain - © leglob-journal.fr
La centrale du Bugey (Ain), une des 54 que dénombre la France – © leglob-journal.fr

« L’électricité ne représente que 25% de l’énergie totale aujourd’hui en France et concentre 80 % du débat ! nous dit Michel Lemosquet. Pour autant les nouveaux usages visant à remplacer les énergies carbonées pétrole et gaz fossile pourraient amener sa part à 50% dans les années 2040 à 2050. Voici quelques références chiffrées nous-dit-il pour tenter d’avoir des repères. « 


Par Michel Lemosquet*


la lettre M sur leglob-journa, emblématique du département de la Mayenne

Malgré les tensions européennes sur le gaz dues à la guerre en Ukraine, c’est surtout la chute de la production électrique française qui nous a conduit à un solde importateur net pour la première fois depuis 1980 !

Pour le nucléaire (- 88 TWh) les causes au nombre de trois sont bien identifiées. D’abord le retard dans la maintenance dû à la crise Covid, la poursuite du « grand carénage » [Vaste projet et programme industriel de renforcement des installations de production électronucléaires, NDLR], mais aussi la corrosion sous contrainte (non prévue) sur des réacteurs parmi les plus récents.

Dans une moindre mesure, l’hydraulique ( -12 TWh) a souffert du déficit de précipitations. Enfin l’insuffisance de déploiement des énergies renouvelables (éolien et solaire) a largement pesé sur ce déséquilibre .Il n’y a pas eu de coupures grâce à la conjonction de trois éléments. Le premier est bien évidemment le recours aux importations massives notamment de nos voisins allemands, le second est l’utilisation du gaz plus importante ; enfin la baisse de la consommation significative surtout en fin d’année. En revanche on a assisté à une hausse sans précédent des prix de marché dès l’été qui se prolonge en 2023.


La consommation en baisse


La consommation d’électricité à température normale s’est établie à 459,3TWh en 2022 soit en recul de 1,7 % par rapport à 2021. C’est une baisse de 4,2 % par rapport aux moyennes 2014 à 2019. La particularité de cette année 2022 reste la baisse de 9 % au dernier trimestre suite aux annonces de risques de coupure. La baisse s’est opérée dans l’industrie et le tertiaire mais principalement dans le résidentiel.

Nous restons toujours avec des différences de facteur 3 entre les consommations les plus faibles quand les températures sont clémentes : 29 956 MW le 23 octobre et les plus élevées : 87 025 le 14 janvier. Le lissage des pics de consommation est un élément essentiel de la transition énergétique .Il conviendrait d’avoir une courbe de consommation plus régulière et mieux adaptée à la production.


Une production en chute


La production totale de 445,2 TWh correspond à une chute de 15 % par rapport à 2021. La disponibilité du nucléaire est descendue à 54 % au lieu de 73 % pendant la période 2015 – 2019. La production hydraulique a, quant à elle, atteint son niveau le plus bas depuis l’année 1976 !

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Une chute historique pour le thermonucléaire


Avec 279 TWh produits, l’électricité nucléaire a représenté 63 % de la production totale. C’est un recul historique par rapport aux 400 TWh produits en 2015. EDF annonce une production autour de 300 TWh pour 2023 – 2024.. C’est très important pour se projeter à ces horizons…


Production thermique fossile


Gaz

Le recours au gaz pour la production d’électricité a été important : 44,1 TWh contre 32,9 en 2021… Le gaz redevient la troisième source d’électricité devant l’éolien.

Charbon marginal

Son rôle est marginal puisqu’il ne représente plus que 0,6 %, ne servant qu’à tamponner pour l’équilibre du réseau.

Fuel

Là encore c’est moins de 0,5 % et une utilisation à certains endroits précis… même s’il faut tout faire pour tendre vers zéro.


Production énergies renouvelables électriques


Hydraulique

Avec 49,6 TWh soit 11 % du total production, l’hydraulique est en recul de 20 % par rapport à la moyenne 2014-2019. On est loin du record de 2017 (67,7 TWh) et les sécheresses posent un certain nombre de questions.

Éolien

Malgré une année peu venteuse, l’éolien a produit 37,5 TWh à cause de l’augmentation de sa puissance installée totalisant maintenant plus de 20 000 MW. La grande nouveauté reste l’installation du premier parc en mer à Saint Nazaire avec 80 éoliennes de 6 MW soit 480 MW. Les travaux sont engagés sur d’autres parcs avec le gros avantage pour l’éolien qui reste sa rapidité de construction…Pour autant les objectifs de la PPE fin 2023 (24 100 MW ) et ceux de 2028 (entre 33 200 et 34 000 MW) seront très loin d’être atteints. (PPE : Programmation Pluriannuelle de l’Energie )

Solaire photovoltaïque

Même si la puissance installée a progressé pour atteindre 15 700 MW , nous sommes là aussi très loin des objectifs PPE : 20 100 MW fin 2023 et entre 35 et 44 000 MW en 2028. La production s’élève désormais à 18,6 TWh .

Thermique renouvelable

La biomasse et le biogaz à des fins électriques ont produit 10,6 TWh ; grâce à une production linéaire ils viennent soutenir le réseau à des moments importants.


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Informations exportations


La France a donc importé 57 TWh et n’a exporté que 40,5 TWh soit pour la première fois un solde négatif de 16,5 TWh. Nous avons importé principalement d’Allemagne et Belgique mais aussi d’Espagne et de Grande Bretagne.

Echange commerciaux tableau

Le maximum importé s ‘est élevé à 15 836 MW de puissance, le maximum exporté a été de 17 352 MW.. L’interconnection des réseaux européens permettant les échanges reste un élément déterminant dans la stabilité du réseau électrique .


Conclusion


Nous sommes bien évidemment dépendant du nucléaire pour notre électricité. Mais il y a deux sujets ; le nucléaire historique avec ses 56 réacteurs qui pour des raisons diverses ont baissé leur production et qui ne vont pas revenir à leur niveau avant 2026 selon EDF …Et le nucléaire du futur avec un EPR de Flamanville qui ne va pas entrer en production avant 2024 voir plus tard si la décision de changer le couvercle de la cuve est reportée ou non mais aussi la décision de construction de six EPR2 . Ces nouveaux EPR seraient construits par paire à Penly, Gravelines et Le Bugey ou Tricastin… mais ne produiront pas avant 2037 dans le scénario le plus optimiste.

Cela signifie pour les quinze prochaines années il ne nous reste que deux solutions à optimiser en fonction de la prolongation des anciens réacteurs : la maîtrise de la consommation malgré l’électrification de nouveaux usages et le développement des renouvelables faciles et rapides à construire. ◼


*Avec des références RTE, EDF, ADEME


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