La colère de ces « Accompagnants d’élèves en situation de handicap ». En Mayenne, des AESH se sont décidés à monter au créneau pour dénoncer leurs conditions de travail et le fait qu’ils soient « payés au lance pierre ». Résultat, le « mini job » n’attire pas, l’Education nationale en Mayenne comme ailleurs peine à recruter. Les syndicats, au national, viennent d’écrire au ministre.
Un métier non reconnu pour un « vrai boulot »
Par Thomas H.
« Nous sommes des proies et nous n’avons pas de statut » résume en fin de conférence de presse, Béatrice*, une AESH qui fait un peu la synthèse de tout ce qui s’est dit sous le couvert de l’anonymat soulignant ainsi le fond du problème. Car les « Accompagnants d’élèves en situation de handicap » ont peur de s’exprimer à visage découvert, comme beaucoup de personnes et notamment en Mayenne.
Les AESH qui ont remplacé les AVS (Auxiliaire de vie scolaire) en 2014 disposent de 60 heures de formation. Il faut avoir le bac, ou à minima un diplôme national du brevet, certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou brevet d’études professionnelles (BEP). Officiellement la rémunération est de 734 euros pour 24 heures.
Depuis la mise en place de la Loi Handicap en 2005 et « l’inclusion » décrétée par la suite à l’école, on ne peut pas dire que cette belle idée fasse l’unanimité. Pour les parents d’élèves concernés, les enseignants et les « accompagnants », majoritairement des femmes, des conditions de travail difficiles, pas de statut, et néanmoins, une mission importante qui fait dire à cette AESH qui a trois ans de présence dans ce « vrai métier » que les AESH « sont pourtant la pierre angulaire de l’école inclusive« .
Une précarité organisée
Mépris est le sentiment qui semble le plus revenir, dans le discours de ceux qui ont bien voulu rompre le silence en Mayenne au bout de seize ans de pratique d’assistance aux élèves handicapés dans les classes, à l’école, au collège et au lycée. Sur les « affectations, l’inspection de la Mayenne ne respecte pas souvent les choix« , lance cette jeune femme qui vit donc avec ce statut AESH, dans l’Education nationale, « agent contractuel de droit public« . Aurélien, chef de famille de deux enfants qui « prend énormément de plaisir à travailler comme AESH« , s’en sort avec « 813 € par mois pour 24 heures » travaillées. Il le fait par « vocation » et « aime la proximité avec l’élève, en revanche comme instit’ je ne pourrais pas faire la même chose…«
Avec un « salaire moyen de 750 € pour 24 heures et très peu de taux plein » , les AESH galèrent. Et « c’est l’Etat qui est à l’origine de cette précarité« . L’exemple de Claire qui a été pendant deux ans AVS, et AESH ensuite, est symptomatique de ce qu’il faut faire pour obtenir une salaire mensuel plus important : 24 heures comme assistant d’éducation et elle travaille en plus sur le temps de midi embauchée par la mairie où se trouve son école. Résultat 950 € par mois. Un léger mieux… Mais Claire estime que dans sa vie, elle est bloquée : « je n’ai pas de possibilité de me porter garant pour le logement de mon fils qui est étudiant… » Sans compter sur le fait de ne pas savoir jusqu’à la fin de l’été où on sera nommé. « C’est dur ! » Mais c’est le lot de tout contractuel. « L’Education Nationale n’a pas encore engrangé ça… » pense une autre AESH qui en a gros sur la patate. Elle ne participait pas à la conférence de presse par visioconférence.
« Travailler pour des clopinettes » et en plus se voir psychologiquement « mal traité ». Comme cette jeune femme qui ayant questionné l’administration pour savoir si elle pouvait se rendre à une sépulture s’est vue répondre positivement mais assortie d’un « sachez que vous aurez à rendre vos heures!… » A la peine s’ajoute un lourd sentiment d’être inconsidérée…
Six ans pour être « titularisé »
Résultat avec « un salaire de misère » et « un statut non reconnu » des « collègues démissionnent« , ce qui ne fait pas les affaires de l’administration qui peine a trouver des AESH en Mayenne comme ailleurs. Il y a « 200 élèves en attente d’AESH… » avance la FSU l’un des syndicats qui épaulent les AESH en Mayenne, et ce ne sont pas les « huit postes en plus » qui vont mettre du beurre dans les épinards. il s’agit d’ « Un premier ajustement pour le Dasen, Denis Waleckx, qui a comptabilisé lui 130 élèves en attente dont trente en situation urgente et qui rappelle que le budget de l’Education nationale prévoit 4000 postes au national.«
Les AESH ont mis tout de même un peu de temps à sortir de leur silence pour mettre en avant les conditions de travail et le fonctionnement des PIAL. Dix-sept en Mayenne, des Pôles inclusifs d’accompagnement localisé implantés dans tout le département « afin de bâtir une stratégie en faveur du développement de l’école inclusive au niveau local » explique la Direction académique des services de l’Education nationale. « Avec les PIAL, on va droit dans le mur, analyse cette AESH, dans mon cas cela fait trois fois qu’on me demande de laisser des enfants pour aller dans un collège vers des élèves qui sont plus dans le besoin que les premiers… » incompréhension et découragement.
Des PIAL décriés. Au niveau national, loin des dissensions qui existent en Mayenne, « Le SE-Unsa, la CGT Éduc’action, la FSU, le Sgen CFDT, le Snalc et Sud Éducation on demandé au début du mois de février au ministre d’ouvrir en urgence des négociations salariales et des discussions « pour une reconnaissance du métier d’AESH et sortir ces personnels d’une précarité insupportable« . Des AESH qui ont toutefois vu leur conditions de contractuels légèrement évoluer ; ils leur est possible d’ « obtenir une titularisation au bout de six ans« .
Il n’empêche, cette « condition humaine » qu’il faut bien qualifier de déshumanisante dans laquelle ces « assistants d’accompagnement d’élèves en situation de handicap » sont entretenus est révélatrice de l’état de la société qui peine à prendre en compte le handicap réellement à la hauteur des enjeux qu’il mérite, « avec une école inclusive véritable enjeu de société et priorité du quinquennat » ; se donner bonne conscience en venant en aide à une partie différente de la population par une loi critiquée au départ par bon nombre de parents ne suffit plus. Il est temps, à présent de se donner réellement les moyens de ses ambitions. ◼
*Les prénoms ont été changés – Voir, avec son panel de revendications pour les AESH, la pétition départementale en Mayenne ici
Attention, au bout de 6 ans ce n’est pas une titularisation mais une « cdisation ». Cela n’a rien à voir. Aucune certitude sur le lieu ou le temps de travail du fait de ce CDI…
Merci de cette précision car ce détail a son importance…