Elisabeth Doineau : « M. le Président, je demande votre démission » 🔓

la façade de l'Hotel de ville du département de la Mayenne

BisRepetita

Elisabeth Doineau a demandé la démission du Président du conseil départemental de la Mayenne en pleine séance publique ce lundi 15 mars 2021. « La situation était grave. Oui, elle est grave. Nous ne pouvons collectivement la couvrir » a-t-elle déclaré solennellement. « Vous frappez, vous mentez, vous persistez (…)  » a-t-elle lancé à Olivier Richefou qui n’a pas répondu. Pour saisir toute la portée de son intervention leglob-journal publie l’intégralité de l’intervention de la sénatrice (UDI) Elisabeth Doineau. Verbatim.

« Je n’ai pas été élue pour avaler des couleuvres »

Par Elisabeth Doineau


La belle lettre guillemet du Glob-journal

Le 9 juillet dernier, nous adoptions le règlement intérieur des assistants familiaux. J’avais appris quelques mois auparavant que son écriture était achevé sans qu’il m’ait été donné l’opportunité d’y participer! Première incohérence, j’étais présidente de la commission concernée. J’apprends donc, en lisant ce document, au demeurant un outil socle structurant et très utile, que les week-ends dits « pour souffler » seraient progressivement supprimés. Ce dispositif particulier accordé par le conseil départemental depuis plus de 20 ans ne reposait sur aucune disposition législative, il fallait y renoncer.

Je veux rappeler ici que l’argument du législatif ne tient pas, la plupart des dispositifs relèvent du réglementaire. Deuxième incohérence!

Et c’est là qu’intervient l’argument choc du Président du conseil départemental : la chambre régionale des comptes aurait implicitement demandé leur suppression. Nous l’avons toutes et tous cru, moi, la première, puis les membres de la commission, les assistants familiaux, le syndicat majoritaire et les autres syndicats. Nous l’avons répété, mes collègues et moi-même, lors des réunions publiques de septembre devant les assistants familiaux.

Après de nombreuses réunions et devant la légitime exaspération de ces professionnels, dont je rappelle la place capitale qu’ils occupent dans notre organisation de protection de l’enfance, je propose à la fin d’une commission permanente de lancer une expérimentation. Cette idée est alors reprise par le Président du conseil départemental en décembre dernier. Un rendez-vous est pris chez le Ministre, Adrien Taquet, et lors de cet échange, avec Madame Marie-Philippe Restif, présidente de l’association des assistants familiaux, le Président du conseil départemental de la Mayenne reprend son argumentaire basé sur la recommandation de la Chambre régionale des comptes. L’expérimentation est accordée. Madame Restif et moi-même, nous repartons satisfaites de cette heure d’échanges. Joie de courte de durée ! Le dialogue social doit à nouveau se prolonger, la nouvelle écriture du règlement intérieur réduisant par un cadre plus stricte les week-ends pour souffler.

Et là j’adore la réflexion du Président du conseil départemental : « inutile de les réduire à 7! », en clair, vous pourrez en prendre plus… mais en réalité, avec le nouveau règlement, quand on regarde les calendriers des congés 2018 et 2019 des assistants familiaux, au lieu de 7, cela les réduit à 5 ! Depuis, le cadre a de nouveau évolué favorablement.

Chers collègues, vous trouvez probablement mon intervention trop longue et vous avez raison. Mon objectif est de vous faire comprendre la pression considérable que nous avons fait vivre aux assistants familiaux depuis un an et cela en pleine crise sanitaire! Sans parler du recadrage auquel j’ai eu droit par le Directeur général des services, certes avec diplomatie, mais un recadrage quand même ! Je venais de répondre à la sollicitation d’une assistante familiale, Madame Katy Paillard, trésorière de l’association et habitante de mon canton. Monsieur Olivier Grégoire m’écrivait le 18 février : « il me paraît dangereux de vouloir poursuivre, qui plus est pour répondre à des démarches personnelles et donc non organisées et non maîtrisables. » Je remettais alors ma démission de présidente de la commission de la Direction de la Solidarité Enfance Famille et Insertion le 22 février.

Chers collègues, mes doutes étant de plus en plus grands sur les réelles injonctions de la Chambre régionale des comptes, je me suis renseignée. La réponse ne s’est pas fait attendre. « Rien dans le rapport de 2016 sur le département de la Mayenne concernant ces week-ends des assistants familiaux spécifiquement. Le suivi par la chambre des recommandations concerne uniquement les recommandations explicites (en l’occurence il n’y a rien sur cet aspect). » Il est même ajouté : « il est fait parfois des recommandations sévères, mais sur ce thème personne n’aurait l’outrecuidance d’aller donner des leçons sur ces professions plus que difficiles. »


« L’engrenage d’un mensonge »


Je viens donc de vous raconter l’engrenage d’un mensonge qui nous a porté jusque dans le bureau d’un ministre. Je sais, Monsieur le Président, que vous savez depuis quelques jours que j’ai tout découvert. Vous avez même fait dire au cabinet du ministre que vous aviez sans doute sûr-interprété les recommandations de la Chambre. Mais vous n’avez rien sûr- interprété du tout, puisqu’il n’y a eu aucune recommandation ! En revanche, vous vous êtes empressé avant cette session de restituer les week-ends de répit ! Je devrais m’en réjouir, en réalité, je suis dégoûtée!

Cette histoire est l’illustration de votre personnalité. Vous frappez, vous mentez, vous persistez, vous mettez la pression, vous cassez, vous épuisez, et puis, quand le vent tourne, vous essayez de réparer ! Vous n’êtes pas à votre premier coup d’essai. Tout le monde se rappelle de l’affaire Fernand Puech. Il y en d’autres. Je vous ai longtemps suivi par loyauté, mais fidélité ne peut rimer avec mensonge et trahison. D’aucuns m’ont trouvée très dure dans les propos que j’ai tenus lors de notre conférence de presse de lundi dernier. Je disais que je n’avais plus confiance en vous, Monsieur le Président. D’aucuns ont cependant compris mon dégoût et m’ont d’ailleurs confié que j’avais le courage de dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas.

Je n’ai pas été élue pour mentir par procuration. Je n’ai pas été élue pour avaler des couleuvres. Je n’ai pas été élue pour être manipulée. Je n’ai pas été élue pour affliger pendant des mois des agents du département. Je n’ai pas été élue pour vous servir de caution morale. Je n’ai pas été élue pour souffrir à ce point dans ma fonction. Je crois d’ailleurs pouvoir dire que j’ai eu un traitement de faveur. Est-ce parce que je suis une femme? Une femme qui résiste? Une parlementaire? À vous de voir…

Alors que nous sommes encore en pleine crise sanitaire, que l’ensemble des acteurs du social est ébranlé par le peu de considération que vous leur portez, que la solidarité devrait passer avant tout, vous nous concoctez une session récréative. C’est révélateur de vos priorités ! Je ne critique nullement votre ambition. Mais l’ambition doit servir le territoire et non pas l’inverse. Nicole [Bouillon], tu me disais dans ton sms que tu ne savais pas que la situation était grave. Oui, elle est grave. Nous ne pouvons collectivement la couvrir. C’est pourquoi, Monsieur le Président, je demande votre démission. » ◼


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