L’Everest – © shrimpo1967
On le sait, le prochain projet, l’ascension de l’Everest d’avril à mai 2023, du sportif Maxime Sorel, 36 ans, sera parrainé par le conseil départemental de la Mayenne. Rien ne freine donc les ardeurs de ceux qui semblent faire fi des remarques officielles. Ni non plus de ceux qui trouvent des oreilles bienveillantes. La gauche a dénoncé ce qu’elle appelle « une fuite en avant de la politique d’attractivité. » La chambre régionale des comptes, dans son rapport, avait pointé sans le dire expressément, une sorte d’ « écosystème » autour du bateau de Maxime Sorel et sans trop rentrer dans les détails. Leglob-journal.fr, le fait …
Par leglob-journal.fr
Le « sponsoring nautique », ce mécénat sportif n’est pas toujours ce que l’on croit, à savoir, donner de l’argent en échange d’un peu d’espace sur la coque ou la voile du bateau. Non. Il s’agit de mettre en place un véritable contrat entre le sportif et son financeur. Avec le navigateur Maxime Sorel, le conseil départemental de la Mayenne et son soutien financier historique, le négociant-commerçant d’alcools, vins et spiritueux V and B, il existerait tout un « écosystème » juridico-financier qui ne se contenterait pas de placer une image publicitaire mais envisagerait le sponsoring comme une occasion financière de placement, un outil d’ « optimisation fiscale ». Nous serions bien loin de certaines valeurs du sport.
Olivier Richefou donne l’impression de continuer sur sa lancée… Le président du conseil départemental a en effet annoncé en début d’année que sa collectivité allait s’associer à cette nouvelle aventure signée Maxime Sorel avec un soutien de l’ordre de « 30 000 € à 50 000 € » selon le montant annoncé par le quotidien régional. Le Breton de Cancale, rappelons-le, fait déjà l’objet avec sa société Latitude 35, créée en 2015, d’une aide assez volumineuse pour le sponsoring du bateau V and B – Monbana – La Mayenne qui coûtera au Département 1,6 million d’euros sur quatre ans.
Rien n’arrête donc ceux qui n’ont pas froid aux yeux… Pour sa part, la gauche au Département dénonce ce qu’elle appelle « une fuite en avant de la politique d’attractivité. Nous sommes stupéfaits par cette annonce trois semaines seulement après la publication du rapport de la chambre régionale des comptes qui épingle sévèrement la politique d’attractivité du Département », avait réagi la minorité. Dans leur rapport rendu public, écrit l’opposition à Olivier Richefou, les magistrats de la chambre ont pointé le 15 décembre dernier, de nombreuses irrégularités dans ce sponsoring nautique et s’interrogent quant à ses retombées pour l’image du département. » Une « décision incompréhensible à l’heure où le Département devrait se concentrer sur la question du pouvoir d’achat, de l’accès aux soins en Mayenne et sur ses missions premières de solidarités » ajoute le communiqué de presse largement repris.
Alors que penser d’un Président qui agit sans tenir compte de l’avis de la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire qui lui a quand même suggéré de se recentrer sur les fondamentaux d’une collectivité départementale, à savoir le Social ? A vous de juger…
En assemblée générale extraordinaire du 5 novembre 2022, le gérant principal et ingénieur en génie civil de formation, Maxime Sorel et Eric Sorel, gérant associé, votent le changement d’adresse de la SARL Latitude 35 qui est domiciliée dorénavant à Cancale oubliant Saint Malo où elle avait été inscrite au registre du commerce en 2015 pour une durée de 99 ans.
Dans les statuts, on lit que la société a pour objet : la « Gestion de la partie technique, financière, organisationnelle, logistique, navigation de projet de course au large ; Animation d’événements, convoyage de bateau ; Prestation intellectuelle dans le domaine de la formation, conseils techniques liés au métier du BTP, contrôle d’engins. » Au départ, Maxime Sorel a apporté 5000 € de fonds propres en capital social à 10€ la part en ne laissant qu’un seul titre à Eric Sorel. Résultat, le skipper détient 499 parts de la SARL Latitude 35.
Un entrelacs de sociétés
Mais alors comment s’imbrique la société de Maxime Sorel dans celle intitulée Dragon Fly Investisment, heureuse propriétaire du bateau dont il est le skipper, société dont le président de Sodistra est le gérant ?
Guillaume Néron-Bancel, lui, ancien directeur de communication de l’attractivité du président du conseil départemental de la Mayenne désormais salarié chez Actual Leader group, apparait comme un simple associé à titre personnel. Si on relit le rapport des magistrats de la chambre régionale des comptes on y voit un peu plus clair même s’ils ne citent pas de noms de sociétés. Ils écrivent néanmoins : « Après son départ du Département [de la Mayenne], en sus de ses activités au sein du groupe A [Actual], Monsieur C [Guillaume Néron-Bancel] a [été à l’initiative de la création] en mai 2021, d’une société [en nom collectif] dont l’objet est l’achat, la vente, la location et l’exploitation d’un bateau de compétition. Ce bateau est le nouveau bateau du skipper [Maxime Sorel] dont la propre société [Latitude 35] figure parmi les six associés indéfiniment et solidairement responsables de l’entreprise créée par Monsieur C [Guillaume Néron-Bancel].
Mais qui sont ces sociétés qui ont créé un « écosystème » selon une source proche du dossier ? La première d’entre-elles se nomme EBS Finances, société à finalité patrimoniale, domiciliée à Château-Gontier. Son gérant, Emmanuel Bouvet, n’est autre que l’un des deux fondateurs du groupe V and B. La société GP and co, une autre société civile située, elle, à Saint-Fort en Mayenne et créée en juin 2021 a pour gérant Jean-Pierre Derouet, l’autre co-fondateurs de V and B.
Apparait également Montmartre expansion SAS installée à Paris et Pornic appartenant à la famille Buton. Montmartre expansion – gérée par Christian Buton, Président du conseil d’administration du Groupe Saveurs & Délices – a racheté Monbana et Réauté, les deux pépites de chocolat en Mayenne… Montmartre expansion est elle-même détenue par une autre société financière familiale, la SA Fabulux.
S’ajoute aussi à la liste, la société Darlig située à Château-Gontier et gérée par Erwan Coatanea lui-même Président de la société Sodistra qui « conçoit et fabrique des solutions de traitement d’air sur mesure : des centrales de traitement d’air et des réseaux de gaines de ventilation. » ; Darlig est une sarl patrimoniale d’investissements créée en 2011 dans le domaine immobilier. Enfin, n’oublions pas dans cet inventaire le nom de Guillaume Néron-Bancel qui y est « associé à titre personnel« .
Le rapport de la chambre régionale des comptes devait aussi dévoiler que « trois autres associés sont en lien direct avec les deux autres sponsors du skipper [V and B et Monbana], détenant des fonctions d’administrateur, de directeur général ou de président de ces sponsors. La société [Dragon Fly Investisment] est d’ailleurs située à la même adresse que l’un des sponsors.«
Par ailleurs, « La chambre observe que Monsieur C [Guillaume Néron-Bancel], initiateur de la politique d’attractivité et du sponsoring nautique use de ses connaissances sur la stratégie du Département et du réseau qu’il a tissé pour faire prospérer son entreprise qui tirera des bénéfices des financements apportés par le Département. Au surplus, il entretient des liens étroits avec les deux autres sponsors du skipper. [V and B et Monbana] » Et les magistrats d’ajouter : « Lors de l’entretien de fin de contrôle, l’ordonnateur [Olivier Richefou] a indiqué qu’il avait connaissance de cette société et de l’implication de Monsieur C, qui selon-lui détient des parts minimes. La chambre relève, écrivent les magistrats, qu’il détient un nombre de parts du même ordre que les autres. Le capital social s’élève à 1 000 €, la société du skipper apportant 200 € et les cinq autres associés 160 €.«
« Cette participation croisée (…) tout cela n’est pas illégal en soit, mais relève du domaine de l’optimisation fiscale, analyse pour leglob-journal.fr un proche du dossier. Les services fiscaux ou l’Urssaf pourraient s’en emparer… On voit bien que Monsieur C [Guillaume Néron-Bancel] a commencé au Département et qu’il conserve des liens en allant ensuite travailler chez Monsieur B (Samuel Tual) en continuant à faire du business… » . Et Maxime Sorel dans tout ça ? Nous l’avons contacté, il n’a pas donné suite.
Le « Double Everest » et plus encore ?
Thomas Négrier, notre confrère au Maine Libre, a bien saisi ce qui pousse le sportif chevronné qui a été propulsé par le Département de la Mayenne grâce au « sponsoring nautique » dans la classe reine des monocoques, les IMOCA. Ce grand amoureux de sensations fortes fait partie, écrit-il, de « ceux dont les projets s’enchaînent et qui ne peuvent jamais tourner en rond, même après avoir fait le tour du monde. […] Maxime Sorel, dans cette catégorie, en est clairement l’un des étendards.«
Le journaliste écrit aussi : « Dixième du Vendée Globe 2020-2021 et cinquième de la dernière Route du Rhum en Guadeloupe, le breton ne manque pas d’ambitions. Au printemps 2023, il tentera de gravir le toit du monde, l’Himalaya et ses 8 848 mètres d’altitude. » Et Thomas Négrier de continuer en faisant part de « l’une des autres passions » de Maxime Sorel, à savoir la course automobile. « Les 24 Heures du Mans, c’est vraiment un truc que j’ai envie de faire. J’adore les sports mécaniques. Les 24 heures, ça ressemble un peu à ce qu’on vit. Faut que la voiture tienne, il y a la gestion du bonhomme et de la machine. » Si le breton sait y faire il pourra peut-être trouver une oreille encore attentive de la part du Président Richefou, qui sait ?
En attendant, quelle chance de se mettre en préparation pour gravir les pentes qui doivent le mener sur « le toit du monde » ! et tenter son « double Everest » comme il le dit. Maxime Sorel sait qu’il va à nouveau « Faire de la Mayenne un territoire d’exception, révélateur de talents, compétitif. Renforcer la notoriété et assurer le rayonnement de la Mayenne au plan local, régional et national » comme le vante le conseil départemental. Sûr qu’il participe de ces objectifs clairement affichés…
Une année creuse et hop, de la rando à grande échelle, en attendant 2024 et la participation au Vendée Globe. Quant à son bateau exposé à quai à Laval sur la Mayenne en 2021, le Département a recensé pour cette opération « 2 000 visiteurs pendant les quinze jours de sa présence sur la Mayenne« … Sur cinq jours et à raison de vingt visiteurs par jour (seulement), voilà qui permet, n’est-il pas de « Poursuivre le déploiement de la Marque Mayenne auprès des Mayennais et hors Mayenne » ! ◼