Le Stade Lavallois : quel Cirque ? – Par E. J. Folliard 🔓

L'emblème du cirque, le clown avec son gros nez rouge

Il ose la comparaison comme d’autres supporters l’ont fait !… E. J. Folliard met côte à côte le cirque et le football. Le foot ligérien et celui qu’il considère comme « une institution en Mayenne » : le Stade Lavallois. Un club qu’il vénère, et qui le rend depuis quelques années un peu « vénère ». E. J. Folliard s’agace en effet de ce qu’il observe en tant que supporter inconditionnel et la défaite (1-2) lundi 1 mars 2021 face à Quevilly-Rouen, en match décalé de la 23e journée de National n’arrange pas les choses. Voici le fruit de ses réflexions sur le petit monde du football qu’il aime, et sur ceux qui le servent. Critiquer, encore une fois, pour faire évoluer…

« Le spectacle vivant et le rire jusqu’à l’absurde »

Par E. J. Folliard


La belle lettre i

Il y a dans le monde du cirque deux catégories ; de grands noms et leurs fabuleux numéros qui attirent les foules, et d’autres, plus petits, qui malgré le talent de leurs artistes resteront à jamais dans l’ombre des géants. Face aux Pinder ou Medrano qui autrefois déployaient place de Hercé à Laval leurs imposantes caravanes, survivent de petits cirques familiaux qui sillonnent nos campagnes, montent leurs petits chapiteaux sur les places de villages et tentent l’espace de quelques heures de divertir un maigre public avec leurs clowns, leurs équilibristes et quelques animaux savants. Etrangement, le football ligérien est devenu au fil des années une surprenante piste aux étoiles qui possède lui aussi ses cirques de taille différente, un barnum, le FC Nantes et un petit cirque, le Stade lavallois.


Le « Kita Circus »


Deux visions, aux moyens diamétralement opposés, mais qui semblent unies dans une volonté commune de faire vivre en ces temps de pandémie le spectacle vivant et le rire, jusqu’à l’absurde. Le plus grand et le plus renommé de ces cirques est sans aucun doute le FC Nantes rebaptisé ironiquement par ses supporters le « Kita Circus« . Il est vrai que le club mythique jaune et vert, au palmarès impressionnant avec ses huit titres de champion de France et au jeu enthousiasmant, est devenu depuis son rachat, par l’homme d’affaire Waldemar Kita, un véritable cirque, où les artistes sont payés à prix d’or, non plus pour jouer au football mais pour faire rire la France entière. En effet entre un projet ubuesque de Yellow Park, la valse continue des entraîneurs (17 sous l’ère Kita) et l’accumulation de joueurs exotiques, le spectacle en coulisse est devenu permanent, au détriment de celui du carré vert. Les canaris sombrent sportivement mais surtout moralement sans que les supporters puissent espérer un début de remise en question du Monsieur Loyal de ce triste cirque, l’ « inflexible » Waldemar Kita.

Mais aux confins des Pays de Loire, dans l’anonymat du championnat de National, un petit cirque familial au palmarès moins fourni, le « Stade Lavallois Circus« , tente à sa manière d’imiter le club phare de la région, en développant lui aussi les arts circassiens.

En effet, le club mayennais, si ancré dans l’identité du département et porteur depuis plus de 118 ans de la fierté de ses habitants est devenu lui aussi au fil des années un pitoyable spectacle qui ne fait plus rire qu’une poignée de spectateurs et désespère même ses plus fidèles supporters. Au-delà des aléas sportifs qui ont menés les Tangos au troisième échelon du football français, ceux-ci occupent également la Une de l’actualité non pas par leurs décevantes prestations sur le terrain mais bien par les frasques de leurs coulisses : entre projet délirant de nouveau stade, erreurs de communication et problèmes internes.

Ici, point de grand propriétaire, de ménageries exotiques, ni de numéros internationaux, c’est un cirque familial, dirigé par la branche locale du Medef, qui compense le manque de notoriété de son chapiteau par une accumulation de petits numéros surprenants et rythmés.


« L’homme le plus fort du monde »


Sur la piste depuis le début de la saison, comme d’ailleurs depuis de nombreuses années, les numéros s’enchainent à un rythme effréné sous le regard ébahi des quelques observateurs qui s’intéressent encore à ce qui fut un beau club de football et le brillant porte drapeau du sport mayennais.

Dès la préparation de la saison, le spectacle avait commencé par un fabuleux numéro de magie, de classe mondiale, exécuté par le président du Stade lavallois lui-même Phillipe Jan. Interrogé par un journaliste de France Bleu Mayenne sur l’absence de projet structurant pour le club et de vision à long terme, tel un magicien hors pair, il sorti de son chapeau non pas un lapin mais après un peu de poudre de perlimpinpin, un fabuleux de projet « secret ». Un projet invisible mais capable à lui seul de déstabiliser l’ensemble des adversaires de l’équipe lavalloise. Incroyable et éblouissant tour de passe-passe qui laissa le public bouche bée. (Lire ici).

Ayant à peine le temps de reprendre leur souffle après une telle prestation, les spectateurs purent applaudir rapidement un autre artiste, tout aussi doué, en la personne de Bruno Lucas président du directoire du Stade Lavallois. Celui-ci se présenta sur la piste avec un numéro de force incroyable, impressionnant les plus crédules, celui de « l’homme le plus fort du monde », un grand classique du cirque. Un homme capable à lui seul de construire un stade neuf 100 % privé à la seule force de ses intuitions sans réel projet ni même début de financement. Malgré la peur de certains spectateurs attachés à l’historique Stade Francis Le Basser, mais surtout de ses amis du Medef, peu enclin à le suivre dans ce numéro périlleux, Bruno Lucas, plus déterminé que jamais à éblouir le public, enchaina les acrobaties de haut-vol entre projets immobiliers virtuels et illusoire polyvalence de sa nouvelle enceinte. Un grand numéro digne de celui du Yellow Park présenté à Nantes par la Kita Circus mais indéniablement plus risqué au regard des multiples improvisations de notre artiste local. (ici)

Ce duo Philipe Jan-Bruno Lucas, émerveillent à lui seul depuis de nombreuses années les puristes du cirque tant leur complicité et leur sens du spectacle semblent inégalables. Ils sont en passe de remplacer dans le cœur du jeune public le souvenir des nombreux artistes de haut-vol qui se sont succédés sous le chapiteau du « Stade Lavallois Circus« , dont le fabuleux Christian Duraincie, et ont précipité le club mayennais au fond du gouffre.

Banderole des supporters du Stade Lavallois posée sur le viaduc de Laval - image capture Twitter
Banderole des supporters du Stade Lavallois posée sur le viaduc de Laval – image capture Twitter

Mais le cirque ne serait être le cirque sans ses acrobates, ses jongleurs et ses équilibristes, les joueurs. La nouvelle troupe recrutée pour cette nouvelle saison semblait capable de réjouir le public et surtout de faire oublier les piètres prestations de leurs illustres prédécesseurs recrutés par l’imprésario Jean Costa, grand nom du cirque, dans des chapiteaux étrangers de seconde zone. Il eut au départ du spectacle, des buts, et puis le temps passant ces brillantes artistes décidèrent, comme trop souvent à Laval, de se mettre au diapason de l’ensemble du spectacle en devenant des intermittents, jusqu’à l’élimination calamiteuse en Coupe de France, devenue une tradition annuelle. Alors que le club est loin des objectifs annoncés, ils rêvent déjà à d’autres chapiteaux plus prestigieux pour la saison prochaine et laissent leur pauvre entraîneur Olivier Frapolli endosser le rôle d’un clown triste essayant de justifier leurs contre-performances par d’improbables explications.

Même la dernière blague hilarante des clowns du chapiteau, le vrai faux licenciement du préparateur physique du stade lavallois, Sébastien Sergent, n’arrive plus à lui décrocher un moindre sourire. Mais ce qu’ignoraient les supporters, c’est que malgré l’accumulation de numéros tragi-comiques le spectacle n’était pas terminé. En effet, conscient de la nécessité de relancer le « Stade Lavallois Circus » devenu de plus en plus moribond au fil de la saison malgré l’inventivité de ses artistes, les propriétaires de ce petit cirque ont décidé de frapper un grand coup afin de dynamiser ou peut-être, qui sait, de dynamiter définitivement ce club plus que centenaire. Car ce qui restera à jamais fascinant avec les membres du petit monde des patrons mayennais, c’est l’inventivité dont ils sont collectivement capables, afin de finaliser leur œuvre de destruction systématique de ce monument du sport local.


« L’homme canon »


Il fallait donc innover, voir grand et présenter un numéro incroyable dont seul les cirques géants d’outre atlantique, aux moyens quasi illimités, sont capables de déployer. Pas d’éléphants, ni de lions car même en tant que patrons, il convenait de tenir compte de la nouvelle ferveur écologiste des lavallois. Le choix fut grandiose, presque irréel comme vient de le dévoiler Ouest France dans son édition du 11 février 2021. Pour la première fois à Laval, le « Stade Lavallois Circus » présentera en mars, un numéro digne des plus grands cirques du monde « l’homme canon ». L’idée lumineuse est de propulser comme un boulet de canon au milieu du chapiteau un homme paré d’habits de lumière pour enfin éblouir le public et mettre fin aux sempiternelles moqueries sur la déchéance supposée du club si cher au cœur des mayennais. Ce nouveau numéro doit prendre la place de celui du magicien Philippe Jan dont les tours de passe-passe, si prévisibles, semblent avoir même lasser ses plus fidèles admirateurs.

Le monde du cirque est malheureusement à l’image du monde de l’entreprise en Mayenne, un monde cruel et un tantinet hypocrite. Mais face aux moyens limités dont dispose notre petit cirque, incapable d’attirer des artistes extérieurs au département pour cette prouesse spectaculaire, les propriétaires ont fait le choix d’un subterfuge à nul autre pareil et décidé de confier à moindre frais ce numéro à un artiste bien connu sur la place lavalloise et au « Stade Lavallois Circus » : Laurent Lairy. Faire du neuf avec du vieux, une veille recette lavalloise qui semble toujours fonctionner. Membre du directoire du club de 2011 à 2017, pilier du Medef local puisqu’il l’a dirigé, Laurent Lairy apparaît donc comme le surprenant sauveur. Le choix est osé tant son premier passage fut plutôt mitigé à la tête du club comme le souligne le quotidien local. Et puis surtout parce que cet homme providentiel divise fortement le petit milieu de nos notables locaux depuis sa folle tentative de diversification dans l’organisation de repas pour chefs d’entreprises. Ce repas de « travail » qui s’affranchissait allégrement des règles imposées par la crise sanitaire, a fortement exaspéré certains de ses convives par son improvisation mais surtout nos politiques mayennais obligés pendant le week-end de rattraper in extremis les bourdes de leurs amis entrepreneurs en tentant d’éteindre le début d’incendie auprès de certains médias du département.

Ces politiques d’ailleurs, qui eux aussi, face aux représentations hebdomadaires du « Stade Lavallois Circus« , semblent s’être aussi pris d’amour collectivement pour les disciplines du cirque et plus particulièrement celles des fildeféristes, tentant grâce à leur habileté et leur équilibre d’échapper à la chute. En effet, comme ils l’ont toujours fait, dans un consensus politique surprenant entre droite et gauche, depuis le passage du stade lavallois en 1976 dans le monde professionnel, ils tentent, tels des funambules sur leur fil de fer, défiant le vide, d’éviter de faire le moindre geste et surtout de ne jamais prendre réellement position sur le sujet. Un exceptionnel numéro d’équilibriste, entre grandes envolées lyriques sur les heures fastes du stade lavallois, bricolages de Le Basser et silence gêné sur la situation actuelle du club et son avenir. Il est vrai que le temps des selfies de campagne municipale à « Le Basser » passé, ils rêvent tous maintenant à une ville et un département haut de gamme, avec un nouveau positionnement qui siéra mieux à leur supposée modernité et à leurs costumes « slim ». Ils veulent maintenant des startups, du coworking, des « labs », du télé travel ( c’est-à-dire « travailler en voyage ») pour attirer l’oiseau rare, le fameux cadre supérieur urbain tant désiré, qui le confinement passé, recherche un nouvel horizon dans les villes moyennes et fait rêver le promoteur immobilier lavallois.

Il faut donc dorénavant écouter religieusement notre spécialiste local du marketing sportif, Olivier Richefou, président du Conseil départemental, ventant la voile et le cyclisme comme sports incontournables de cette post modernité. Il faut aussi applaudir devant l’audace du nouveau maire de Laval et son projet de « capitale française de la culture 2022 » dans une ville au patrimoine délabré. Dans ce nouveau paysage qui se dessine à coup de campagnes de communication coûteuses et de cabinets de conseil, mais évite soigneusement toute réelle introspection sur ses faiblesses structurelles, le stade lavallois apparaît comme un vestige bien gênant du passé. Les clameurs des supporters quand elles reviendront, les clairons et l’odeur des frites ne font définitivement pas bon ménage avec cette nouvelle image lisse.

Alors dans un déni si propre à la société mayennaise, il convient de laisser le spectacle du « Stade Lavallois Circus » se dérouler jusqu’à son terme en espérant que celui-ci ne vire pas au cauchemar ; et attendre, résigné, que de nouveaux artistes, un jour peut-être, abandonnent leurs pitreries pour faire briller à nouveau les yeux des enfants et enchanter leurs rêves. ◼


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