Stade lavallois… le temps des secrets – par E. J. Folliard 🔓

L'espace au stade Francis Le Basser réservé aux entreprises - image leglob-journal.fr

Le Stade Lavallois entre en pause estivale et donne rendez-vous à tous ses aficionados fin août pour le retour des crampons sur le stade mythique Francis Le Basser. Un stade dont il a été question, une fois le confinement terminé. A coup de petites phrases, l’ac-Tual-ité du Stade (avec ou sans majuscule) s’est faite une place dans le landerneau médiatique. Où l’on reparle de l’« enceinte » qui pourrait être construite à Laval, autrement dit ce qu’on pourrait qualifier de « stade du futur » pour booster le club lavallois qui va entamer pourtant à la rentrée prochaine sa quatrième saison en National.

Le secret peut parfois tuer la vérité

Par E. J. Folliard


Comme l’ensemble du football français, le stade lavallois a terminé sa saison de façon anticipée. Après une vaine tentative de jouer un match à le Basser à huis clos, ce qui aurait été une première dans son histoire, le club mayennais fut touché par les mesures de confinement liées au Covid 19 et dû interrompre définitivement son championnat. Cette fin brutale, il convient de l’avouer, ne laissera aucun regret aux supporters, l’équipe ne pouvant plus rien espérer d’un championnat de National qu’elle avait disputé bon an mal an, sans véritable envie ni talent. Le stade lavallois s’offrant même en guise de récompense le pire classement depuis près de cinquante ans.

Son confinement fut ensuite à l’exemple d’un encéphalogramme plat, une torpeur à peine troublée par quelques jonglerie de ses joueurs avec du papier toilette (le fabuleux Stay at Home Challenge), des matchs sur consoles dans un ennuyeux championnat virtuel et une cagnotte pour l’hôpital de Laval… en réponse précipitée à celle mise en place par un groupe de supporters. Maigre bilan en deux mois qui prouve encore une fois que ce club, même s’il convient d’étendre ce constat à l’ensemble du football français, manque cruellement d’idée pour développer sa marque et donc à l’avenir de possibles recettes annexes. Mais après tout, devenons nous réellement blâmer cette inaction ? Non car cette période si particulière que nous avons tous et toutes plus ou moins expérimentés a eu comme principale vertu de permettre de nous poser et de nous interroger individuellement ou collectivement sur bien des points de notre vie.

Ainsi, les dirigeants du Stade Lavallois avaient-ils certainement mieux à faire, et une fois les mesures de chômage partiel actées pour sécuriser les salariés du club, ils se devaient, peut-être à eux aussi, d’ouvrir ce temps de réflexion et d’introspection pour préparer ce fameux « monde d’après  » ou du moins à la « saison d’après ». Recruter de nouveaux joueurs certes mais surtout plus prosaïquement finaliser ce projet qui semble faire si cruellement défaut au club. Cette ligne directrice qui permettrait à chacun et à chacune de comprendre enfin où va réellement le stade lavallois et ce qui le relie in fine à son territoire. Une quête du sens nécessaire qui touche tout autant les individus que les institutions en ces temps incertains.

Une feuille de route claire couvrant l’ensemble des aspects du club réclamée depuis longtemps par les supporters mais trop souvent repoussée aux calandes grecques par les dirigeants , et qui en ce mois de Juin de liberté retrouvée va connaitre un épisode édifiant.

En effet, pour la première fois depuis de nombreuses années, c’est l’un des actionnaires mêmes du club qui va publiquement s’émouvoir de l’absence de réelle vision stratégique pour le club emblématique du département. Un dangereux révolutionnaire de l’intérieur, osant explicitement par voix de presse mettre en cause la compétence de ses pairs dans leur gestion chaotique du stade lavallois depuis de nombreuses années. Ce chef d’entreprise intrépide n’y allant pas quatre chemins déclare « j’attends des dirigeants un projet sérieux, crédible et ambitieux pour revenir en Ligue 2. » . Ce loup solitaire qui semblait enfin valider l’analyse de bon nombre d‘observateurs était, oh surprise…Samuel Tual, le gourou du medef mayennais, devenu à présent président régional du mouvement des entreprises de France.

Cette critique claire dans un monde aussi feutré que celui des managers mayennais avait à l’évidence de quoi surprendre au point même de laisser croire à une ruse. Une sortie médiatique calculée pour mieux préparer la présentation en grandes pompes du dit projet et justifier, point d’orgue à cette nouvelle ambition retrouvée, la construction d’un nouveau stade si cher à Samuel Tual. Un teasing judicieux, en pleine campagne municipale avec en vedette américaine notre flamboyant et sémillant PDG du groupe Actual-Leader. Il était donc nécessaire d’attendre l’acte 2 de cette opération de communication millimétrée à la mayennaise pour connaitre peut-être enfin ce nouveau projet que les supporters n’osaient plus espérer.

Malheureusement la suite dépassa de loin tout ce qu’un être normalement constitué était capable d’imaginer. Une cacophonie que seuls nos notables mayennais sont capables d’orchestrer.

Un projet oui mais… secret

En effet, dans un entretien à Ouest France du 2 juin 2020 consacré à la politique du Stade Lavallois, qui comme à son habitude fut désespérant de platitude, Philippe Jan président du Club évacua rapidement la problématique du projet et les critiques de Samuel Tual, pour se concentrer sur sa spécialité depuis trois ans, un dédouanement systématique de ces décisions et une rancœur quasi maladive contre l’ancien président du club Christian Durancie.

Pourtant dans un deuxième temps, interrogé de façon plus directe par la presse radiophonique sur le projet et l’impatience d’un des plus emblématiques actionnaires, Philippe Jan répondit enfin à cette question devenue quasi existentielle par une phrase qui restera « culte » sur la place lavalloise « le club a un projet, mais il ne doit pas être rendu public » et de rajouter « Ce projet, il existe, il a été présenté aux actionnaires. Vous ne pouvez pas fédérer les actionnaires et les emmener avec vous dans la gestion d’une entreprise si vous n’avez pas un projet écrit et une feuille de route. ». Et comme un feu d’artifice se doit d’avoir un bouquet final, il conclut par « je pense qu’il ne faut pas le communiquer en long en large et en travers, pas même certaines idées, parce que ce serait donner trop d’informations à la concurrence. Chacun (les clubs) doit avancer et travailler dans son coin. Nous n’avons pas à mâcher le travail pour les autres« .

Extraordinaire séquence de non communication que personne même Samuel Tual n’avait surement imaginé en ouvrant aussi brutalement la boite de pandore du projet.


Le stade Francis Le Bassser, entre ombres et lumières – © leglob-journal

Le stade lavallois est donc bien doté d’un projet, mais il est tenu secret, même de certains actionnaires (c’est pour dire si il est secret !) afin que l’ensemble du football français voire mondial ne puisse s’en s’inspirer et donc copier la réussite indécente du club mayennais de ces dernières années. Une arche d’alliance contenant les précieuses réflexions de nos élites et dont la révélation serait capable à elle seule de déstabiliser à jamais les qataris ou les millionnaires russes qui investissent dans le football hexagonal. Un document dont on imagine aisément que Quevilly Rouen, Concarneau ou Cholet souhaitent rapidement se procurer pour comprendre les armes secrètes mayennaises. Armes secrètes qui ne résident pas à l’évidence dans la capacité du club à rédiger correctement les contrats de ses joueurs. Car lors de cette intersaison particulière et malgré son projet secret le stade lavallois risque de perdre son meilleur buteur Anthony Robic (14 buts en 35 matchs depuis janvier 2019) pourtant lié au club à la suite d’erreurs manifestes dans la rédaction de certains de ses contrats. Un cafouillage qui selon la version officielle est dû à la légèreté coupable de l’ancien directeur sportif Jean Costa, seul habilité à l’époque à traiter ce type d’affaire sans aucune aide juridique extérieure et sans en référer à personne !


Un nouveau stade… lui aussi secret


Les zygomatiques à peine reposés après l’épisode du projet secret et certainement dans un besoin de surenchère comique le président du directoire du club, Bruno Lucas décida lui aussi de s’épancher médiatiquement le 9 juin 2020, mais cette fois sur le projet de nouveau stade lui aussi… ultra secret.

Comme nous l’avons longuement expliqué dans ces colonnes, les dirigeants tiennent en effet à offrir au club phare de notre département une nouvelle enceinte. Après avoir un temps envisagé une rénovation de Le Basser, ce qui parait à l’évidence la meilleure solution, ils ont changé leur fusil d’épaule en voulant construire un stade 100 % privé. Ce type d’opération rarissime en France (seul l’Olympique Lyonnais possède actuellement une telle enceinte) pose à l’évidence un double problème, d’une part elle nécessite un financement de départ important surtout pour un club au budget limité (3,5 millions d’euros cette saison) et d’autre part sa rentabilité reste problématique.


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Depuis cette fulgurance, personne au sein du club n’est vraiment en capacité d’expliquer concrètement l’économie générale du projet qui reste lui aussi secret. A chaque interview sur le sujet, le projet devient de plus en plus nébuleux et incompréhensible. Ainsi sur France Bleu Mayenne Bruno Lucas, dont on connait le sens inné du timing, a décidé de rajouter encore à la confusion en expliquant qu’il souhaite maintenant construire non pas «  un nouveau stade, mais une enceinte sportive (…) pas seulement liée à la pratique du football », située à côté d’une autre enceinte du même type, mais elle dotée d’un toit, l’Espace Mayenne. Difficile même pour un béotien de ne pas être interrogatif sur la complémentarité des deux « enceintes » et sur les éventuels événements qui pourraient se dérouler hors football. Certains proches du dossier évoquant même une piste d’athlétisme qui fut pendant longtemps une faiblesse structurelle de le Basser. Énième revirement, approximation sur un dossier qui semble peu maîtriser par nos entrepreneurs mayennais mais qu’ils travaillent « depuis plusieurs semaines avec un groupe immobilier de la région Pays de la Loire ».

Encore une information nouvelle qui peut inquiéter s’il s’agit, comme cela est probable, du groupe Réalités tristement célèbre dans la région pour son projet sulfureux de Yellow Park pour le FC Nantes, heureusement écarté après une mobilisation populaire.

Inquiétudes que ne semblent pas partager les candidats et candidates à la mairie de Laval, eux aussi convertis collectivement à la politique du secret en réussissant le tour de force (et c’est bien le seul) de ne jamais parler du stade lavallois (sauf pour quelques selfies) et de la problématique de son stade pendant cette campagne municipales indigeste. Un déni total, qui constitue une première, poussée à l’extrême lors d’une soirée indigente organisée le 18 février 2020 au palindrome sur le thème du sport, où pas une minute ne fut consacrée au club emblématique du département… ni même réellement à des propositions concrètes sur le sport d’ailleurs. Une suite de poncifs et de gadgets qui laissèrent nombre de participants sur leur faim.

C’est dans ce climat ubuesque que le stade lavallois doté de son projet secret et de son futur stade lui aussi secret débutera sa quatrième saison en National le vendredi 21 août. Il aurait été souhaitable au regard de l’enjeu que constitue ce club pour notre territoire, en terme de rayonnement et de cohésion sociale, que ses dirigeants mais aussi les futurs responsables politiques de la ville et de l’agglomération puissent faire preuve pour une fois de hauteur d’esprits et de visions d’avenir. Quitter enfin le temps des secrets pour celui de la transparence, un saut peut être dans le « monde d’après » ◼


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