En finir avec cette élection comédie ? – Par Henri Marteau 🔓

Un bulletin d'électeur dans une urne, symbole de la démocratie ...

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Une longue campagne atone et un entre-deux tours qui n’en finit pas de s’éterniser… Pour aboutir à quoi, dans cette élection majeure de la Vème République ? Un remake de 2017 avec cette fois une possibilité bien trop réelle de voir l’extrême droite entrer à l’Elysée. L’horreur à l’état pur pour la nation du siècle des Lumières, où la bataille contre le conservatisme et l’obscurantisme fut très forte et porteuse des valeurs républicaines qui doivent continuer à nous animer… Henri Marteau nous gratifie d’une tribune dans l’entre-deux tour où il remarque que l’Europe, son cheval de bataille, est absente du débat.

Tribune

Par Henri Marteau


La belle lettre J sur leglob-journal

Jamais sans doute dans l’histoire de la République une campagne électorale nationale n’aura été aussi creuse et insignifiante. Son enjeu se limite pour l’essentiel à un choix de personne, comme un consommateur arbitre entre plusieurs savonnettes.

Tout se passe comme si l’électorat avait désormais intégré l’impuissance publique. Le politique ne dispose plus des outils ou moyens d’action pour changer la vie ou améliorer la situation quotidienne des Français et préparer l’avenir. Cette campagne actuelle donne lieu à quelques gadgets fiscaux, comme la suppression de la redevance audiovisuelle, la suppression de la TVA à 5,5% sur les produits alimentaires,…

Il y a bien un non dit fondamental non abordé dans cette élection que sont les règles européennes et les traités qui sur-déterminent notre droit national. Par exemple, nous sommes dans la monnaie unique : l’Euro avec ses règles budgétaires. La réalité du pouvoir français et des partis politiques qui aspirent à le prendre, c’est que dans le cadre de ces règles et traités, ils ne peuvent rien changer en terme d’orientation économique pour notre pays, ils ne peuvent pas empêcher la destruction de l’industrie, ni la dégradation des conditions de vie.


La question européenne : le non dit fondamental


En France et dans les autres pays membres de l’UE (Union Européenne), sauf en Allemagne qui est maître du jeu, chaque élection présidentielle est une comédie, c’est à dire que les candidats doivent apparaître comme différents, mais au bout du compte, une fois élus, ils n’ont aucune capacité d’action et les commentateurs politiques sont devenus des commentateurs de théâtre.

Dans le contexte de l’appartenance à l’UE et à la monnaie unique, il est impossible de produire un programme économique et social différent que celui imposé par les traités européens. Par exemple la proposition d’Emmanuel Macron de reculer à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite correspond à une demande de l’UE, la supérieure hiérarchique de la France, ce que les syndicats et les partis politiques qui s’affirment opposés à cette mesure sont censés savoir. En effet, parmi les recommandations pour 2019 figurait : « Réformer le système de retraite pour uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite ». Le préambule de ces recommandations chiffrait l’économie à cinq milliards d’Euros pour les dépenses publiques. La contre réforme préconisée par Emmanuel Macron est le copier-coller de cette recommandation : fusionner tous les régimes en un régime unique et diminuer les pensions en passant à la retraite par points qui induit le recours aux assurances retraites privées en complément, pour ceux qui en ont les moyens.


Vers une fracture générationnelle ?


Quel que soit le vainqueur de cette élection, il aura un problème de légitimité. L’électorat d’Emmanuel Macron est essentiellement composé des milieux gagnants de la mondialisation et des retraités. Hors, la majorité des retraités qui vote Macron valide la retraite à 65 ans pour leurs enfants et leurs petits enfants alors que cette génération de baby boomer est partie en retraite à 60 ans et même avant avec les préretraites. Par contre, l’électorat de Marine Le Pen est constitué majoritairement d’actifs qui cotisent pour financer les pensions, mais qui ne pourront pas partir en retraite à 60 ans. Une fracture générationnelle n’est-elle pas en train de se préparer ?

Marine Le Pen joue sur du velours, car le slogan lepé­niste « On est chez nous » est loin d’être stu­pide. Chacun sait que, pour les milieux populaires, la nation est le seul « chez soi », le seul abri qui reste dans un monde ravagé par la libre concur­rence et les délo­ca­li­sa­tions. Dans une France dis­lo­quée, archi­pé­li­sée pour repren­dre les ana­ly­ses de Jérôme Fourquet, « être chez soi », c’est vou­loir retrou­ver un peu de cette fra­ter­nité qu’ont tota­le­ment oubliée ceux qui ne savent plus que répé­ter comme des perroquets les slo­gans sur les « valeurs de la République ». D’ailleurs, c’est un fait, que la majorité des européistes dont fait parti Emmanuel Macron, se trouve dans les milieux non exposés à la mondialisation, et ceux-ci considèrent souvent la Nation comme le mal absolu.

C’est là la preuve qu’un électorat en quête de protection est prêt à suivre n’importe qui lui la promet, s’il a le sentiment que les formations politiques dont il était traditionnellement proche méprisent ou feignent d’ignorer ses préoccupations. Peu importe alors les « appels à la raison » de tout un tas de gens bien mis, qui, d’où qu’ils viennent et qui ils soient, se croient autorisés à donner un avis, comme dernièrement les artistes et sportifs qui s’érigent en prescripteurs de morale en appelant à voter pour Emmanuel Macron. Sou­ve­nons-nous com­ment tous ces gens-là avaient traité les Gilets jaunes.


Une enveloppe pour contenir un bulletin officiel lors d'une élection en France
Enveloppes pour contenir des bulletins officiels lors d’une élection en France – © leglob-journal.fr

Selon le géographe Christophe Guilluy, aujourd’hui, une grande partie des Français est prête à voter avec un bulletin moralement inacceptable pour changer les choses. Ils sont prêts à tout pour dire qu’ils existent. Cela en dit long sur le niveau de ressentiment.

Avant 1981, face à la Gauche, la Droite recourait au chantage au collectivisme, effrayait l’électorat avec le narratif que si la Gauche arrivait au pouvoir, il y aurait alors des ministres communistes qui collectiviseraient tout et que Paris serait envahit par des blindés soviétiques ! Quarante après, le chantage a changé de camp.

Selon les sondages, 70 % des français ne voulaient pas d’un duel Macron – Le Pen, ce qui veut dire qu’ils sont orphelins politiquement. Maintenant que la Gauche a disparu, il manque une offre politique res­pon­sa­ble articulée autour des principes fondamentaux de la souveraineté, qui, sans déma­go­gie et sans conces­sion, nom­me­rait les choses par leur nom, ayant un positionnement clair par rapport à l’Union Européenne. Elle pour­rait être entendue par la majorité des milieux populaires qui payent le prix fort de la mondialisation.

La démocratie n’est pas une nursery. Les citoyens sont adultes et savent ce qu’ils auront à faire le 24 avril. Pour l’intérêt de notre pays, souhaitons que cette présidentielle 2022 soit la dernière élection comédie. ◼


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