Hommage à Robert Buron, décédé il y a 50 ans – par Georges Poirier 🔓

50 ans mort Robert Buron - Discours Georges Poirier - Photo Kevin Rouschausse-Ville de Laval
Devant la stèle de Robert Buron en mairie, Georges Poirier au pupitre, Bruno Bertier et Jean-Yves Gougeon (L’Oribus) – Photo Kevin Rouschausse – Ville de Laval

Il y a tout juste 50 ans, le 28 avril 1973, décédait Robert Buron, alors maire de Laval. Il n’avait que 63 ans et devait s’éteindre après plusieurs mois de maladie. Parti « trop tôt«  dira André Pinçon, son successeur impromptu, qui tiendra ensuite la barre de l’équipe municipale et de la ville de Laval durant 22 ans. Vendredi 28 avril 2023 Bruno Bertier, le premier adjoint ville de Laval a ouvert la cérémonie en hommage organisée à la mairie de Laval ; en soirée une gerbe de fleurs a été déposée sur la tombe de Robert Buron à Villaines-La-Juhel. Dépôt commun des deux villes : Villaines-La-Juhel représentée par le maire Daniel Lenoir et Laval par Georges Poirier représentant Florian Bercault – leglob-journal publie le discours prononcé à cette occasion par Georges Poirier – Hommage


Par Georges Poirier


la belle lettre L sur leglob-journal

Lors des obsèques de Robert Buron à Villaines-la-Juhel, décrites dans le quotidien Le Monde, douze prêtres du département concélèbrent la cérémonie, en présence de François Mitterrand, alors premier secrétaire du PS et de Michel Rocard leader du PSU. Que de symboles !

Robert Buron n’aura donc présidé aux destinées de Laval que deux ans. D’où vient alors cette aura gravée dans la ville qui a donné son nom à une avenue et à un lycée et qui lui a érigé cette stèle ? Laval aura été, en fait, le point d’orgue d’une carrière politique qui a profondément irrigué l’histoire du département pendant un quart de siècle.

Robert Buron aura été député de la Mayenne de 1945 à 1959, maire de Villaines-la-Juhel de 1953 à 1970, conseiller départemental et président du comité d’expansion de la Mayenne… Et une dizaine de fois ministre entre 1949 et 1962, en particulier auprès de Pierre Mendès-France et du général de Gaulle. À ce titre, il sera un des négociateurs des accords d’Évian de 1962 avec l’Algérie.

Sa personnalité et son empreinte dans le département, dont il perçoit plus que d’autres les mutations souterraines, expliquent le retentissement de son élection en 1971 à Laval. Avec la complicité non dissimulée de Francis Le Basser, Robert Buron impose l’alternance à la mairie. Il va être le premier de cordée des succès successifs de la gauche lavalloise depuis cinquante ans. Son cheminement progressif « de la démocratie chrétienne au socialisme » (sous-titre de son livre « La Mayenne et moi ») facilite le rassemblement. La plaquette « Au revoir Monsieur le maire », publiée par son équipe Laval Demain en 1973, explique : « Par votre énergie enjouée, vous avez, vous le chrétien, jeté le pont entre ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas ». Cette alliance entre laïcs et chrétiens, outrepassant de vieux clivages paralysants, demeure le socle des victoires passées et à venir à Laval, pour qui connait les ressorts de cette ville.

Cet héritage politique de Robert Buron se traduit également dans la conduite de l’action municipale. En deux ans seulement, il impulse un style et surtout des valeurs et des visions qui restent toujours d’actualité. Retenons en cinq :

La « démocratie de participation ». Robert Buron a été un des premiers à formuler l’idée. Avec la volonté de faire de la mairie une « maison de verre ». Il inaugure des « faces au public », avec la passion de comprendre et de convaincre. Il suscite des associations de quartiers, crée la première maison des associations place Saint-Tugal dans une ancienne école, etc.

L’attention aux plus fragiles. Lui qui a passé deux ans de sa jeunesse au « royaume des allongés », il est sensible à tous les handicaps. Proche de l’abbé Pierre, il se soucie des mal-logés. Il instaure le quotient familial pour les cantines et les centres aérés. Il monte au créneau pour défendre les objecteurs de conscience avec l’évêque d’Orléans Mgr Riobé, les travailleurs émigrés, les gens du voyage, etc.

La « paix scolaire ». Une formule de Marie-Louise Buron, devenue élue lavalloise après le décès de son mari, dans la postface du livre posthume « La Mayenne et moi ». De décembre 1971 à juillet 1972, le nouveau maire de Laval négocie, jusqu’à Paris avec le secrétaire général de l’enseignement catholique et en présence du secrétaire général de l’épiscopat, le passage au contrat d’association pour les écoles privées lavalloises, avec le soutien d’ailleurs de plusieurs chefs d’établissement locaux et d’enseignants CFDT. Laval devient alors le bon exemple au plan national.

L’ouverture au monde. Qualifié à l’époque de « tiers-mondiste » pour son action en faveur du développement des pays du sud, Robert Buron participe, un mois avant l’élection municipale, à un débat télévisé resté célèbre face à Raymond Cartier. L’impact est considérable en Mayenne et à Laval en particulier. Robert Buron sera l’inspirateur du jumelage-coopération avec Garango, au Burkina Faso, qui verra le jour quelques mois après son décès.

Le volontarisme politique. Robert Buron n’était pas homme à se satisfaire du cours des choses. Il avait pour devise, affichée sur les banderoles de son mouvement Objectif 72, « Rendre possible ce qui est nécessaire ». Pour lui, je cite, « un homme politique digne de ce nom se doit, surtout à une époque où le rythme des transformations sociales s’accélère sans cesse, d’être à la fois un gestionnaire responsable et un réformateur ».


« un éveilleur et un prophète »


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La tombe de Robert Buron à Villaines-La-Juhel – © leglob-journal.fr

Dans la plaquette post-mortem de son équipe Laval-Demain en 1973, l’un des élus, André Saget, son « plus ancien compagnon lavallois », un chrétien de gauche qui l’avait suivi, écrit : « Il a été pour toute une génération un éveilleur et un prophète ».

Sa fille Martine Buron, qui regrette de ne pouvoir être présente aujourd’hui pour raisons familiales, nous a écrit un petit mot. Elle évoque « un homme effectivement hors du commun mais aussi une certaine conception de la politique du local à l’international; Le plus beau des métiers, qui oserait écrire ce livre aujourd’hui ? », s’interroge Martine Buron.

Ce livre de Robert Buron, « Le plus beau des métiers » date de 60 ans. Il fut publié en 1963. Deux autres livres de réflexion politique sont aussi essentiels pour comprendre l’homme et ses convictions. Fin 1970, à quelques mois de l’élection municipale, sort « Demain la politique, réflexions pour une autre société ». À l’époque étudiant, j’ai toujours gardé en mémoire la dédicace que Robert Buron me fit : « Demain la politique, celle qu’il contribuera à faire je l’espère ». Lui rendre hommage aujourd’hui est un devoir et un honneur.

Enfin, il y eut le livre « Par goût de la vie », publié début 1973, trois mois avant sa mort. Ce petit livre se conclut par une « lettre ouverte aux jeunes qui veulent changer le monde ». Il n’y a pas plus beau testament. ◼


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