Olivier Richefou au cours d’un point presse le 12 Décembre 2023 – © leglob-journal.fr
Olivier Richefou nous avait confié, depuis sa mise en cause par la Justice, s’attendre à être entendu dans l’affaire de « prise illégale d’intérêt et recel » concernant l’achat d’un bien immobilier appartenant à Samuel Tual voué à devenir la maison départementale de l’Habitat. A leglob-journal.fr, au cours d’un point presse lors de la réunion du conseil départemental de la Mayenne le 12 décembre 2023, il avait déclaré ne « pas avoir d’information, ne rien avoir reçu… ». Il avait ajouté : « Je m’attends à être entendu dans les jours qui viennent. » Il ne croyait pas si bien dire.
Par Thomas H.
Interrogé par leglob-journal.fr pour savoir si cette éventualité de convocation soulevée par le Président allait devenir une réalité, le Parquet de Rennes nous a simplement délivré l’information. Philippe Astruc nous a écrit dans un mail : « Le président du conseil départemental de la Mayenne a été placé lundi [18 décembre 2023] après-midi en GAV [Garde à vue, NDLR] pendant quelques heures pour des faits de prise illégale d’intérêts » .
Selon le Procureur qui a ouvert l’enquête préliminaire suite à un signalement effectué par le Procureur de la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire sur la base d’un rapport mettant en lumière des « irrégularités« , la défense du mis en cause a été de nier au cours de cet acte de procédure important.
Le procureur de la République de Rennes écrit à ce propos : « [Olivier Richefou] conteste les faits qui lui sont reprochés » et il ajoute : « Le parquet va dans les prochaines semaines décider de l’orientation à donner à cette procédure. » On le voit l’enquête prend un tournant décisif avec cette « garde à vue » que l’homme politique a subi pendant « quelques heures« , mis en cause qui bénéficie, rappelons-le, jusqu’à preuve du contraire de la présomption d’innocence.
Après la perquisition 3 octobre 2023 à l’hôtel du Département, un acte de procédure judiciaire fondateur qu’il a néanmoins minimisé publiquement, le président du conseil départemental a été contraint de se déplacer à Angers dans les locaux de la direction territoriale de police Judiciaire (DTPJ) pour subir cet interrogatoire. Les policiers auraient pu, il est vrai, se rendre à Laval mais c’est le contraire qui a été retenu par la Justice qui n’hésite pas à parler de « garde à vue » . « La garde à vue est une mesure privative de liberté prise lors d’une enquête judiciaire à l’encontre d’une personne suspectée d’avoir commis une infraction. »
La justice aime le temps long. Elle prend le temps nécessaire pour remplir correctement et à juste titre son travail d’investigation et d’enquête Elle a entendu des protagonistes, beaucoup de personnes qui ont gravité de près ou de loin dans ce dossier de « prise illégale d’intérêt et recel » . Des auditions principalement comme témoin… On ignore pour l’heure si, le « recel » de l’histoire, à savoir Samuel Tual, celui qui a vendu le bâtiment à hauteur de 850 000 € a été entendu lui aussi ou s’il le sera par la suite à titre de comparaison avec ce qu’a pu déclarer Olivier Richefou. Toutefois, il va falloir recouper toutes les informations obtenues par les enquêteurs et le Parquet va certainement attendre le rapport écrit de la Police judiciaire qui doit donner « l’orientation » au magistrat dans un sens ou dans l’autre. Soit le classement sans suite, soit la poursuite de la procédure avec la mise en examen pouvant déboucher sur une correctionnalisation devant le tribunal judiciaire.
Le délit de prise illégale d’intérêt ne suppose pas, contrairement à ce qui s’est produit récemment devant la Cours de justice de la République dans le procès du Garde des Sceaux et conformément à la jurisprudence de la Cours de cassation, que l’intention ou la volonté soit déterminée.
Que dit le code pénal ?
Le législateur, depuis la réforme et la nouvelle formulation de la loi du 22 décembre 2021, apprécie à présent l’intérêt à l’aune de « l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de l’auteur du délit » . L’article du code pénal est écrit à présent de la sorte :
« Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction » (C. pén., art. 432-12, al. 1er). Ces peines principales peuvent notamment s’accompagner d’une peine d’inéligibilité renforcée (C. pén., art. 432-17). »
De fait, disposer d’une autorité sur l’ensemble des services d’une collectivité, assister à une commission permanente où il est question justement pour les élu-es de voter sur l’achat d’un bien immobilier appartenant à un client de longue date de l’avocat d’affaires qui avait cédé son cabinet, mais continuait à y être salarié, le président du conseil départemental et c’est là le nœud du problème aurait dû se déporter ; d’ailleurs n’a-t-il pas regretté publiquement dans un article de Ouest France de ne pas l’avoir fait ?… Savait-il qu’il ne pouvait pas prendre part à une délibération du fait de la possibilité d’un potentiel conflit d’intérêt ? Se doutait-t-il, à tout le moins, qu’il eût été nécessaire de s’abstenir de participer à toute réunion, discussions ou travaux préparatoires ? Sollicité par téléphone à deux reprises puis par SMS, Olivier Richefou n’a pas donné suite à nos demandes. ◼️
Deux points précis concernant l’achat de cette maison de l’habitat pourraient faire l’objet d’investigations, soit judiciaires, soit journalistiques. Quel était le prix d’achat par le groupe Actual de ce bien immobilier? A quelle date le groupe Actual est-il devenu propriétaire?
S’il y avait eu une plus-value rapide lors de la revente au département, un autre aspect du conflit d’intérêts entre Olivier Richefou et le groupe Actual apparaitrait.
Bonjour,
Pour la date d’acquisition, on peut raisonnablement tabler sur la date de constitution de la SCI, soit le 24 décembre 2002.Pour le reste (prix d’acquisition etc), il faudrait voir la valorisation de l’apport de l’immeuble dans les statuts.
Selon nos informations, le vendeur en réclamait 1 000 000€, les Domaines l’avait estimé à 770 000€ et le Département l’a finalement acquis pour 850 000€. Voir l’article publié dans nos colonnes
Nous ne savons pas à quand remonte l’acquisition de ce bien immobilier par celui qui l’a cédée et à quel prix…
A bon entendeur…
Merci pour ces éléments.
La création de la SCI peut être ancienne et l’incorporation dans cette SCi d’un bien nouveau peut être plus récente. La suite de l’enquête nous le dira peut-être.
Concernant ce bien proposé pour 1 million, estimé 770 000€ par les domaines, et acheté 850 000€, deux lectures peuvent être faites.
Celle d’Olivier Richefou qui considère qu’acheter 150 000€ en dessous du prix proposé est une bonne affaire pour le département.
Celle qui considère que le prix d’achat de 850 000€ (770 000€ estimés, plus 10% qui est le maximum légal au dessus de l’estimation) est le maximum que pouvait légalement obtenir le vendeur de la part d’un acheteur public. Avec cette lecture, la bonne affaire est faite par le vendeur.
Compte tenu des liens entre Olivier Richefou et Samuel Tual et des commandes publiques importantes, répétées et souvent discutables dans leur déroulement (surdimensionnement, opacité, rapidité, non mise en concurrence, conflit d’intérêt) chacun aura compris quelle est la lecture la plus crédible.
La même collectivité peut être tantôt très pingre (social), tantôt très généreuse . Quand il y a conflit d’intérêt public/privé, rien ne définit mieux cette variabilité qu’une bonne vieille expression: c’est un peu « à la tête du client ».