Justice – Les autres délits qu’Anticor 44 a signalés au Parquet de Laval 🔓

Un signalement au Parquet de Laval par Anticor 44 après la publication du rapport sur la gestion du conseil départemental de la Mayenne - © leglob-journal.fr

Deux signalements à la justice autour de la gestion du conseil départemental de la Mayenne auditée en Décembre 2022 par la CRC, la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire. A coté de celui effectué par la CRC elle-même, Anticor 44 avait décidé de faire début juin 2023 un signalement auprès de la Procureure de la République de Laval, « car différents points soulevés [dans le rapport de la CRC] pourraient être visés comme des délits de favoritisme, de prise illégale d’intérêts, de faux en écriture publique et peut-être même de trafic d’influence » écrit l’association anti-corruption dans un communiqué.


Par leglob-journal.fr


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Avec ce signalement, Anticor 44 pointe trois autres délits. Tous tournent autour de cette notion valise que constitue le « conflit d’intérêts » . La loi de 2013 définit la notion de « conflit d’intérêts » comme « Toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction».

Cela dit, il faut bien évidemment caractériser les faits qui sont susceptibles de coller à cette définition. Ce que fait Anticor 44, dans son signalement à la Procureure de la République de Laval Anne-Lyse Jarthon. L’association anti corruption a relu attentivement le rapport de la Chambre régionale de comptes des Pays de la Loire.

Dans son communiqué Anticor 44 estime d’emblée que « Le contrôle de la chambre a mis en évidence des situations où certains élus n’auraient pas dû prendre part aux votes. »

Au delà de la « prise illégale d’intérêts et recel » retenue dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte par le Parquet de Rennes et qui a débouché sur une perquisition au conseil départemental le 3 octobre 2023, Anticor 44 va plus loin et plaide même pour ce qu’il appelle le « trafic d’influence » . C’est « un délit qui consiste, pour une personne ou un dépositaire des pouvoirs publics, à recevoir des dons de la part d’une personne physique ou morale, en échange de l’octroi ou de la promesse à cette dernière d’avantages divers. C’est une forme de corruption » . Mais Anticor 44 n’apporte pas de développement pour étayer ce délit dans son communiqué. Question : le fait pour un client d’un avocat d’affaires qui préside une collectivité locale de vendre à cette même collectivité un bien qui lui appartient est-il de nature à fonder le « trafic d’influence » ?

Anticor parle aussi de « faux en écriture publique » . Le faux, soit dit en passant, « commis dans une écriture publique […] ou dans un enregistrement ordonné par l’autorité publique est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende » . 

Anticor 44 écrit à propos du « faux en écriture » : « La commission permanente du 8 juin 2020 [qui] a autorisé l’acquisition par le Département d’un bien immobilier sis 19 rue de l’Ancien Evêché à Laval et de places de stationnement à Laval pour un montant de 850 000 € net vendeur pour y installer la future maison de l’habitat., [que] la délibération, votée à l’unanimité, ne mentionne pas l’identité du vendeur, lequel s’avère être la SCI D., propriété de Monsieur B [Samuel Tual]. Elle ne précise pas non plus le montant estimé par le service des domaines, en contradiction avec les dispositions des articles L. 1311-9 à L. 1311-11 du code général des collectivités territoriales. La chambre relève le caractère lacunaire des informations apportées aux élus qui ont été tenus dans l’ignorance de l’estimation du prix et de l’identification du vendeur. » ce que nous avions déjà évoqué dans les colonnes de leglob-journal.fr.

On peut lire : « Anticor 44 pense que le fait de ne pas avoir indiqué un certain nombre d’éléments dans la délibération peut être potentiellement assimilé à un faux en écriture (article 441-4 du Code Pénal). »


Sur le déport nécessaire


« M. Richefou est président du conseil départemental depuis 2014. Avocat de profession, il a exercé au sein d’un cabinet en tant qu’associé de 1989 à 2019 » . L’association Anticor rappelle à la Procureure de la la République de Laval que « Le contrôle de la chambre a permis d’établir que le groupe A [Actuel leader Group], dont le PDG est Monsieur B [Samuel Tual], figure au nombre des clients du cabinet d’avocats [ZRA]. Cette situation a été vérifiée pour les années 2018, 2019 et 2020. En réponse aux observations provisoires de la chambre le concernant, Monsieur B confirme avoir été client du cabinet d’avocats et avoir été conseillé « à titre tout à fait exceptionnel par M. Olivier Richefou ».

Anticor 44 pense que « l’absence de déport de M. Richelou [A chaque évocation du dossier, NDLR] peut être potentiellement considéré comme une prise illégale d’intérêt« , délit pour lequel l’enquête préliminaire à été ouverte par le Parquet de Rennes.


Un troisième « tiers mis en cause »


« Les liens d’intérêts de l’ancien directeur de la communication et de l’attractivité pose question » écrit plus loin Anticor 44.

Guillaume Néron Bancel, souligne l’association anti corruption a exercé les « fonctions de directeur de la communication et de l’attractivité, direction rattachée directement au Président. Il a été recruté en qualité d’agent contractuel pour une durée déterminée de trois ans à temps complet à compter du 10 janvier 2018. De ses liens avec deux sociétés qu’il détenait au moment de son recrutement, la CRC en déduit « que celui-ci a cumulé son poste de directeur de la communication et de l’attractivité irrégulièrement avec ses mandats au sein des sociétés précitées dans la mesure où il n’a pas sollicité l’autorisation de cumul prévue par les textes »

Guillaume Néron-Bancel avait fondé à Orléans une start-up intitulé Draw me a Garden, [Dessine-moi un jardin…] présentée comme un « nouveau service de conception, de mise en place et d’entretien de jardins. » par le biais du digital et qui emploie plusieurs salariés, comme l’écrivait en septembre 2020 leglob-journal.fr . Mais il est surtout associé-fondateur de la société Dragon Fly, créée en mai 2021 pour « l’achat, la vente, la location et l’exploitation d’un bateau de compétition« , le « V and B, Monbana, Mayenne », sponsors principaux du bateau de Maxime Sorel.

« Monsieur C [Guillaume Néron-Bancel] a quitté son poste en novembre 2020 pour prendre les fonctions de directeur de la communication du groupe A dont le PDG est Monsieur B [Tual]. Dans les mois précédant sa prise de fonction au sein du groupe A, Monsieur C a initié et entretenu des liens importants entre le Département, Monsieur B et ses sociétés. En effet, Monsieur C a développé la stratégie en matière d’attractivité dont Monsieur B [Tual] est partie prenante. Dans ce cadre, il a signé des contrats avec l’entreprise F (société du groupe A [Act Office une des filiales du groupe Actual] ) visant à la mise à disposition de personnel intérimaire pour des opérations de distributions de documents à Angers, Rennes, le Mans et Paris Montparnasse. Les montants facturés se sont élevés à 8 619,64 € pour les exercices 2019 et 2020. Il a également accepté la proposition commerciale d’afficher la marque Mayenne sur l’immeuble de l’entreprise F (société du groupe A [Actual Leader Group] situé en face de la gare [Immeuble Le Trèfle]. Enfin, dans le cadre de la sous-location des locaux parisiens à l’entreprise F [Act Office], il a été le signataire de tous les acomptes pour paiement d’avril 2019 à juillet 2020, soit un montant total de 135 478,97 €.« 

Pour Anticor 44, tous ces éléments décrits dans le rapport de la CRC concernant l’ancien directeur de la communication et de l’attractivité laisse à penser qu’ils peuvent être considérés comme une prise illégale d’intérêts.


Le délit supposé de « Favoritisme »


Anticor 44 considère également que le non-respect du code des marchés publics peut être potentiellement assimilé au « Délit de favoritisme ».

L’association énumère : « Réalisation de films promouvant le territoire ; création de déclinaisons de la marque de territoire ; réalisation de portraits pour différents supports de communication ; réalisation d’objets promotionnels portant l’image du Département ; prestations de conseils en communication.« , ces prestations relevées peuvent potentiellement nourrir le délit de Favoritisme » , estime Anticor 44 qui rappelle que « le fractionnement artificiel des achats pour échapper aux seuils [imposés du code des marchés publics], de manière volontaire ou non, communément appelé « saucissonnage », est interdit, le pouvoir adjudicateur risquant dès lors de méconnaître les règles d’appréciation des seuils. L’acheteur, pour déterminer la valeur estimée de son besoin, doit prendre en compte la valeur totale des services susceptibles d’être regardés comme homogènes en raison de leurs caractéristiques propres. » Autrement dit, il faut avoir suffisamment de recul pour comprendre et détecter que tous ces marchés sont réunis dans une seul main… ce que ne permet pas le « saucissonnage« .

Anticor 44 ajoute que « la soustraction de ces commandes aux règles de la commande publique ont conduit à écarter les élus du choix du prestataire puisque la commission d’appel d’offres n’a pas été consultée [empêchant d’autres concurrents peut-être « moins disant », NDLR] . Les devis consultés par la chambre ont été signés par Monsieur C [Guillaume Néron-Bancel] et des liens personnels peuvent être envisagés avec une partie de ces prestataires. » L’Atelier Legendre par exemple.


La CRC pointe des "partenaires" prestataires du directeur de l'attractivité et de la communication  - capture écran

Capture d’écran – Sur le blog de l’Atelier Julian Legendre, un des cinq prestataires qui a aussi travaillé pour Monsieur B et le groupe A (Immeuble Le Trèfle) par l’intermédiaire de Monsieur C [Guillaume Néron-Bancel]

Dans son signalement à la procureure de la République de Laval, Anticor 44 évoque aussi « le sponsoring nautique qui n’a pas fait l’objet d’une mise en concurrence, [mais aussi] les liens entre l’ancien directeur de la communication et de l’attractivité et le skipper et ses partenaires, ainsi que des locaux à Paris [Espace M, devenu M Paris] où la CRC écrit : Ce bail a été conclu à la suite d’une procédure irrégulière, premièrement puisque les élus n’ont pas été correctement informés du coût de cette sous-location, deuxièmement puisque le président n’a pas respecté la délibération (durée du bail, date de l’autorisation de la signature) et, enfin, puisque l’avis des domaines n’a pas été régulièrement sollicité ».

On le voit l’enquête pourrait selon Anticor 44 largement s’étoffer et porter sur des faits mis en lumière par les magistrats de la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire qui vont bien au delà de la simple vente par Samuel Tual au conseil départemental de la Mayenne de ce bien qui deviendra la Maison départementale de l’Habitat. En impliquant, comme les appelle la CRC, d’autres « tiers mis en cause » comme Guillaume Néron Bancel par exemple en plus de Samuel Tual. ◼


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