Département – le parquet de Rennes s’intéresse aussi au délit de favoritisme 🔓

Olivier Richefou le président du conseil départemental de la Mayenne - © leglob-journal.fr

Nouvel acte judiciaire avec une deuxième perquisition. Et deux signalements à la justice autour de la gestion du conseil départemental de la Mayenne auditée en Décembre 2022 par la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire (CRC). A coté de celui effectué par la CRC elle-même autour de la Maison de l’Habitat, Anticor 44 avait fait en juin 2023 un autre signalement auprès de la Procureure de la République de Laval qui l’avait transmis au procureur de Rennes. Philippe Astruc élargit donc le champ des investigations de la Justice. L’association anti-corruption avait pointé le délit de favoritisme lié à des marchés passés sans appel d’offres pour l’Attractivité. D’où la perquisition réalisée ce lundi 6 mai 2024 au siège du Département à Laval.


Par leglob-journal.fr


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Avec ce signalement, Anticor 44 avait mis en avant trois autres délits et surtout celui de Favoritisme concernant l’absence de procédure d’appel d’offres pour des marchés. Philippe Astruc le procureur de Rennes a donc de nouvelles cartes en main. Tout tourne autour de cette notion valise que constitue le « conflit d’intérêts » . La loi de 2013 définit la notion de « conflit d’intérêts » : «Toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction». Cela dit, il faut bien évidemment caractériser les faits qui sont susceptibles de coller à cette définition d’où les enquêtes préliminaires effectuées par la Police judiciaire, la nouvelle perquisition et les investigations supplémentaires demandées par le procureur de Rennes.

Dans son signalement à la Procureure de la République de Laval Anne-Lyse Jarthon qui l’avait transmis à son confrère en poste à Rennes, l’association anti corruption avait relu très attentivement le rapport de la Chambre régionale de comptes des Pays de la Loire qui évoquait largement les contrats passés en dehors de la procédure du code des marchés publics par la direction de la communication et de l’attractivité, à l’époque dirigée par Guillaume Néron-Bancel avant son départ chez Actual.


Un troisième « tiers mis en cause »


« Les liens d’intérêts de l’ancien directeur de la communication et de l’attractivité pose question » écrivait à l’époque au Procureur de Rennes Anticor 44. Guillaume Néron Bancel, soulignait l’association anti corruption a exercé les « fonctions de directeur de la communication et de l’attractivité, direction rattachée directement au Président. Il a été recruté en qualité d’agent contractuel pour une durée déterminée de trois ans à temps complet à compter du 10 janvier 2018. De ses liens avec deux sociétés qu’il détenait au moment de son recrutement, la CRC en déduit « que celui-ci a cumulé son poste de directeur de la communication et de l’attractivité irrégulièrement avec ses mandats au sein des sociétés précitées dans la mesure où il n’a pas sollicité l’autorisation de cumul prévue par les textes »


Portrait en mosaïque  de Guillaume Néron Bancel issu d'une brochure du CD de la Mayenne - illustration leglob-journal.fr

Portrait en mosaïque de Guillaume Néron Bancel issu d’une brochure du CD de la Mayenne – illustration leglob-journal.fr

Guillaume Néron-Bancel avait en effet fondé à Orléans une start-up intitulé Draw me a Garden, [Dessine-moi un jardin…] présentée comme un « nouveau service de conception, de mise en place et d’entretien de jardins. » par le biais du Digital et qui emploie plusieurs salariés, comme l’écrivait en septembre 2020 leglob-journal.fr . Mais il est surtout associé-fondateur de la société Dragon Fly, créée en mai 2021 pour « l’achat, la vente, la location et l’exploitation d’un bateau de compétition« , le « V and B, Monbana, Mayenne », avec pour sponsors principaux du bateau de Maxime Sorel les entreprises éponymes réunies dans un savant montage de sociétés.

« Monsieur C [Guillaume Néron-Bancel] a quitté son poste en novembre 2020 pour prendre les fonctions de directeur de la communication du groupe A dont le PDG est Monsieur B [Tual] relatait le signalement de l’association anticor. Dans les mois précédant sa prise de fonction au sein du groupe A, Monsieur C a initié et entretenu des liens importants entre le Département, Monsieur B et ses sociétés. En effet, Monsieur C a développé la stratégie en matière d’attractivité dont Monsieur B [Tual] est partie prenante. Dans ce cadre, il a signé des contrats avec l’entreprise F (société du groupe A [Act Office une des filiales du groupe Actual] ) visant à la mise à disposition de personnel intérimaire pour des opérations de distributions de documents à Angers, Rennes, le Mans et Paris Montparnasse. Les montants facturés se sont élevés à 8 619,64 € pour les exercices 2019 et 2020. Il a également accepté la proposition commerciale d’afficher la marque Mayenne sur l’immeuble de l’entreprise F (société du groupe A [Actual Leader Group] situé en face de la gare [Immeuble Le Trèfle]. Enfin, dans le cadre de la sous-location des locaux parisiens à l’entreprise F [Act Office], il a été le signataire de tous les acomptes pour paiement d’avril 2019 à juillet 2020, soit un montant total de 135 478,97 €.« 


Le délit supposé de « Favoritisme »


Anticor 44 considère que le non-respect du code des marchés publics peut être potentiellement assimilé au délit de favoritisme. Pour un montant de presque 800 000 € selon le rapport de la CRC.

L’association énumère d’ailleurs de nombreux contrats réalisés au nom de la communication et de l’attractivité : « Réalisation de films promouvant le territoire ; création de déclinaisons de la marque de territoire ; réalisation de portraits pour différents supports de communication (Cf image ci-dessus) ; réalisation d’objets promotionnels portant l’image du Département ; prestations de conseils en communication.« , ces prestations relevées peuvent potentiellement nourrir le délit de Favoritisme« . Anticor 44 rappelle aussi que « le fractionnement artificiel des achats pour échapper aux seuils [imposés du code des marchés publics], de manière volontaire ou non, communément appelé « saucissonnage », est interdit, le pouvoir adjudicateur risquant dès lors de méconnaître les règles d’appréciation des seuils. L’acheteur, pour déterminer la valeur estimée de son besoin, doit prendre en compte la valeur totale des services susceptibles d’être regardés comme homogènes en raison de leurs caractéristiques propres. » Autrement dit, il faut avoir suffisamment de recul pour comprendre et détecter que tous ces marchés sont réunis dans une seul main… ce que ne permet pas le « saucissonnage« .

Anticor 44 ajoute que « la soustraction de ces commandes aux règles de la commande publique ont conduit à écarter les élus du choix du prestataire puisque la commission d’appel d’offres n’a pas été consultée [empêchant d’autres concurrents peut-être « moins disant », NDLR] . Les devis consultés par la chambre ont été signés par Monsieur C [Guillaume Néron-Bancel] et des liens personnels peuvent être envisagés avec une partie de ces prestataires. » Comme L’Atelier Legendre par exemple. Cf ci-dessous.


La CRC pointe des "partenaires" prestataires du directeur de l'attractivité et de la communication  - capture écran

Capture d’écran – Sur le blog de l’Atelier Julian Legendre, un des cinq prestataires qui a aussi travaillé pour Monsieur B et le groupe A (Immeuble Le Trèfle) par l’intermédiaire de Monsieur C [Guillaume Néron-Bancel]

Dans son signalement à la procureure de la République de Laval, Anticor 44 évoque également « le sponsoring nautique qui n’a pas fait l’objet d’une mise en concurrence, [mais aussi] les liens entre l’ancien directeur de la communication et de l’attractivité et le skipper et ses partenaires, ainsi que des locaux à Paris [Espace M, devenu M Paris] où la CRC écrit : Ce bail a été conclu à la suite d’une procédure irrégulière, premièrement puisque les élus n’ont pas été correctement informés du coût de cette sous-location, deuxièmement puisque le président n’a pas respecté la délibération (durée du bail, date de l’autorisation de la signature) et, enfin, puisque l’avis des domaines n’a pas été régulièrement sollicité ».

On peut lire : « Anticor 44 pense que le fait de ne pas avoir indiqué un certain nombre d’éléments dans la délibération peut être potentiellement assimilé à un faux en écriture (article 441-4 du Code Pénal).« 


Sur le déport nécessaire


Anticor 44 avait relaté dans son signalement que « Le contrôle de la chambre a mis en évidence des situations où certains élus n’auraient pas dû prendre part aux votes.« 

« M. Richefou est président du conseil départemental depuis 2014. Avocat de profession, il a exercé au sein d’un cabinet en tant qu’associé de 1989 à 2019 » . L’association Anticor rappelle à la Procureure de la République de Laval que « Le contrôle de la chambre a permis d’établir que le groupe A [Actuel leader Group], dont le PDG est Monsieur B [Samuel Tual], figure au nombre des clients du cabinet d’avocats [ZRA]. Cette situation a été vérifiée pour les années 2018, 2019 et 2020. En réponse aux observations provisoires de la chambre le concernant, Monsieur B confirme avoir été client du cabinet d’avocats et avoir été conseillé « à titre tout à fait exceptionnel par M. Olivier Richefou ».

Anticor 44 pense que « l’absence de déport de M. Richelou [A chaque évocation du dossier, NDLR] peut être potentiellement considéré comme une prise illégale d’intérêt« , délit pour lequel l’enquête préliminaire a été ouverte par le Parquet de Rennes et la première perquisition effectuée à l’hôtel du Département.


« Trafic d’influence »


Au delà de la « prise illégale d’intérêts et recel » retenue dans le cadre de l’enquête préliminaire initiale ouverte par le Parquet de Rennes et qui a débouché sur une perquisition au conseil départemental le 3 octobre 2023 révélée par leglob-journal.fr , Anticor 44 allait plus loin et plaidait même pour ce qu’il appelle le « trafic d’influence » . C’est « un délit qui consiste, pour une personne ou un dépositaire des pouvoirs publics, à recevoir des dons de la part d’une personne physique ou morale, en échange de l’octroi ou de la promesse à cette dernière d’avantages divers. C’est une forme de corruption » . Mais Anticor 44 n’apporte pas de développement réels pour étayer ce délit. Question néanmoins : le fait pour un client d’un avocat d’affaires qui préside une collectivité locale de vendre à cette même collectivité un bien qui lui appartient est-il de nature à fonder le « trafic d’influence » ?


« Faux en écriture publique »


Pour Anticor, il y a aussi ce délit de « faux en écriture publique » . Le faux, soit dit en passant, « commis dans une écriture publique […] ou dans un enregistrement ordonné par l’autorité publique est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende » . L’association anti corruption estime à propos du « faux en écriture » que « La commission permanente du 8 juin 2020 [qui] a autorisé l’acquisition par le Département d’un bien immobilier sis 19 rue de l’Ancien Evêché à Laval et de places de stationnement à Laval pour un montant de 850 000 € net vendeur pour y installer la future maison de l’habitat [dans] la délibération, votée à l’unanimité, ne mentionne pas l’identité du vendeur, lequel s’avère être la SCI D., propriété de Monsieur B [Samuel Tual]. Elle ne précise pas non plus le montant estimé par le service des domaines, en contradiction avec les dispositions des articles L. 1311-9 à L. 1311-11 du code général des collectivités territoriales. La chambre [avait relevé] le caractère lacunaire des informations apportées aux élus qui ont été tenus dans l’ignorance de l’estimation du prix et de l’identification du vendeur. » ce que nous avions déjà évoqué dans les colonnes de leglob-journal.fr.

On le voit, l’enquête est élargie par le parquet de Rennes et pourrait largement s’étoffer, bien au-delà de la simple vente par Samuel Tual au conseil départemental de la Mayenne de ce bien situé à Laval et qui est devenu la Maison départementale de l’Habitat. En impliquant, comme les appelle la chambre régionale des comptes d’autres « tiers mis en cause » en plus d’Olivier Richefou, comme Guillaume Néron Bancel et Samuel Tual qui bénéficient pour l’heure de la présomption d’innocence. ◼


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