Voici une enquête préliminaire rapidement menée. 7 Février 2021 : dépôt de plainte, 9 Février perquisition, Début Juin 2021, il s’agira, pour le prévenu, d’une convocation devant le tribunal correctionnel à Laval. La Justice, – dans cette affaire qui se déroule dans la ville de Château-Gontier en Mayenne – ne devrait pas retenir les violences, mais plutôt la détention sans autorisation d’armes de catégorie C. “Acheter, vendre ou détenir une ou plusieurs armes de catégorie C sans faire de déclaration est sanctionné par une peine de prison de 2 ans et une amende de 30 000 €.» Au delà de ces faits de détention illégale d’armes, il y a une circonstance aggravante : l’individu est connu pour adhérer à l’idéologie néo-nazie…
Affaires de famille
Par Thomas H.
Dans ce genre de réunions banales, il arrive que l’alcool, fatalement, conduise à ce qu’il faut bien appeler, une “soirée de beuverie” … Cela se passe à Château-Gontier-sur-Mayenne. Alors, comme on ne se maitrise plus, le taux d’alcoolémie monte et le ton aussi… On ne sait pas pourquoi mais le dérapage arrive quand Alexandre D “menace de mort” son frère, qui ne peut se défendre tout seul, mais qui décidera toutefois de porter plainte, le 9 février 2021, deux jours après les faits. Alors, logique, la justice décide d’ouvrir d’une enquête dite “préliminaire” en raison de la plainte déposée, et c’est la gendarmerie qui effectue les recherches nécessaires en faisant appel notamment à une perquisition au domicile du “mis en cause”… et une interpellation.
Pourquoi ? Parce qu’il faut dire que nous sommes en face d’idées qui ne ressemblent pas à celles du tout venant. Alexandre D. est en effet suivi depuis plusieurs années pour complotisme et survivalisme, cette doctrine qui pousse certains individus ou groupes d’individus à se préparer à une catastrophe éventuelle… A se prémunir et se défendre… C’est sans doute pour cela qu’il a été retrouvé des armes et un nombre impressionnant de cartouches à son domicile…
Les survivalistes de manière générale craignent la fin du monde ou l’ “effondrement de la civilisation“, alors ils font des stocks au cas où, et puis ils arrivent finalement à cibler ce qu’ils qualifient de menaces sociétales, l’immigration par exemple mais pas uniquement . “Issu de l’anglais survival, le terme survivalisme a été inventé dans les années 1960 par Kurt Saxon, un libertarien xénophobe proche du parti nazi américain et de l’Eglise de Satan.” écrit Le Monde qui ajoute : “L’extrême droite rôde autour de ce mouvement protéiforme“.
Au cours de la perquisition dans le sud-Mayenne, les enquêteurs ont retrouvé “beaucoup d’armes et des cartouches de 9 millimètres (…) Plein !” et des armes de catégorie C. Sauf que l’intéressé n’avait pas d’autorisation de détention. C’est ballot. “L’extrême droite rôde” , chez cet individu pour reprendre les propos de ce même quotidien national avec toutefois, en plus, des réminiscences “néo-nazi” , puisqu’une croix gammée géante, située sur une tenture et accrochée en haut du plafond sur une partie d’un mur, s’est retrouvée face aux gendarmes lorsqu’ils sont entrés dans la pièce au moment de leurs investigations… Adhérer à l’idéologie néo nazie n’est pas sans risque. Alors, on peut être inscrit sur un fichier officiel de personnes qui pourraient s’en prendre à la “sureté de l’Etat”, les fameux ” fichés S”.
Mais laissons faire la Justice qui, on le sait, se hâte d’attendre pour pouvoir juger correctement, sans se précipiter quitte à provoquer parfois des interrogations chez les justiciables…
Une histoire de famille là-aussi
L’extrême-droite trouve ses racines dans des stratifications parfois beaucoup plus officielles, avec l’assentiment de la République. Alors la veille est nécessaire. Qu’il s’agisse de l’extrême-droite, le FN, puis le RN ou toute autre association active ou en sommeil, voilà le champs d’investigation de “La Horde“, une plateforme qui “propose un point de vue antifasciste sur l’actualité” qui se dit “méchamment antifasciste” . Un travail très utile grâce à une compilation, en textes et photos.
Lorsqu’on y tape “Mayenne”, nous sommes notamment dirigés vers un article dans lequel un homme politique, Pascal Gannat, figure de l’extrême-droite, est présenté de cette façon : “un frontiste à l’ancienne. Entrepreneur au Mans mais résidant en Mayenne, Pascal Gannat possède un long passé dans les sphères fachos. D’abord militant du néofasciste Parti des forces nouvelles, puis du Front national (1984), il a notamment été chef de cabinet de Jean-Marie Le Pen de 1988 à 1992, puis conseiller régional et municipal dans le nord de la France. Puis, ajoute la Horde, président du FN 72 entre 2015 et 2017” . Pascal Gannat le Mayennais, habite Niafles. Un haut lieu en Mayenne où s’est joué une drôle de guerre civile sur fond de religion, il n’y a pas si longtemps, c’était en 2007. (Lire ici)
En cette période de renouvellement de la Région, avec les élections qui se joueront fin juin 2021, il est bon de se rappeler que l’ancien chef de cabinet de Jean-Marie Le Pen présidait le groupe du RN au conseil régional des Pays de la Loire, à Nantes, jusqu’en septembre 2017.
Une histoire de famille et soudée, là-aussi. Du coté d’Angers, la presse locale présente un de ses fils comme un “activiste identitaire angevin” . Jean-Eudes Gannat n’a rien en effet d’un inconnu. Chef de file du Front national de la jeunesse (FNJ) dans le Maine-et-Loire et proche du GUD à Paris. Voilà pour faire court.
Porte-parole d’un “local identitaire d’extrême droite, le bar l’Alvarium à Angers” (Maine-et-Loire), il est l’un des neuf enfants de l’ancien patron du Front National (FN) à la région Pays de la Loire. Jean-Eudes Gannat s’est d’ailleurs présenté à 25 ans, sans succès, au premier tour de l’élection législative partielle de Saumur Nord en septembre 2020 en proposant aux électeurs un choix qualifié « de droite authentiquement nationale, sociale et populaire » en cassant “le dogme, la bien-pensance, à savoir l’immigration” déclarait-il sur Radio Chrétienne de France, RCF Anjou, qui a bien voulu lui tendre son micro. (ici). Voir aussi les connections qui existent entre une certaine Mayenne et le bar l’Alvarium à Angers (ici)
François-Aubert Gannat, le frère de Jean-Eudes Gannat, qui a été “condamné définitivement pour des violences racistes perpétrées en octobre 2016, a échappé à une nouvelle condamnation pour injures racistes grâce à une erreur de la cour d’appel d’Angers” écrivait le Courrier de l’Ouest. “François-Aubert connaît bien le tribunal d’Angers, relate pour sa part Le Monde. “Deux jours avant la soirée du Falstaff, un bar du centre-ville d’Angers, il y avait été condamné à dix mois de prison avec sursis pour une histoire de descente en ville, une nuit de l’automne 2016, avec une dizaine de congénères, aux cris d’« A mort les Arabes, à mort les Noirs », ponctués de saluts nazis.”
Une certaine Mayenne, en apparence bucolique, semble essaimer… Sur le portail de La Horde, il est possible de lire aussi qu’en “2004, un sympathisant néo-nazi a été interpellé dans le centre-ville de Vannes. Originaire de la Mayenne, il était surveillé depuis plusieurs semaines par les services de police. Lors d’une perquisition à son domicile, les policiers ont découvert tout un arsenal d’armes de guerre de la Wehrmacht, des uniformes, des brassards néo-nazis ainsi que des boucles de ceintures de Waffen SS, la branche militaire des SS. Des centaines de CD comportant des chants nazis ont également été découverts.” Cela ressemble à notre histoire de Château-Gontier relatée plus haut…
En 1996, dans le centre de Château-Gontier, à nouveau. “Des graffitis à caractère skin s’étalent en haut de la rue Razilly et avenue Carnot” . Des détails sont donnés : “Sur les murs et les panneaux de signalisation, des inscriptions, faites à la bombe de peinture noire, proclament : “Hitler avait raison » – “Révolte blanche » – “Skin heads, white power ». Avenue Carnot, des croix gammées s’affichent sur un panneau d’informations municipales et sur le rideau du magasin “Le mutant” .
Retour au XXIème siècle, avec la proximité de l’élection présidentielle de 2022 et la candidature de Marine Le Pen, il n’en faut pas plus pour que les afficionados de l’extrême-droite se sentent à nouveau pousser des ailes. Alors sur Laval, on tague à deux reprises. On prend pour cible le local du PCF de la Mayenne, “les rouges, les communistes, les Salopards de Gauchistes, que des merdes!” comme on peu le lire sur Twitter assez régulièrement. La Guerre froide n’est pas tout à fait éteinte…
Récemment un compte Twitter, très suivi, d’un tenant de cette idéologie extrême-droite qu’on a tort de banaliser, a été supprimé par le réseau social. (Lire ici). Ces idées qu’on qualifiait de nauséabondes ont germées et se sont depuis largement développées. Ainsi en 1998, en Mayenne, Marie-Christine de Couët est candidate du Front national. Cette mère de famille de 31 ans est Lavalloise et candidate sur le canton de Laval sud-ouest avec l’étiquette du FN. Voici une partie de sa profession de foi qui a été relayée par Ouest France à l’époque où elle se présente aux suffrages des électeurs : « Malgré leurs promesses, tous les politiciens ont échoué. Les habitants de mon canton savent que la drogue y circule librement, entraînant la délinquance : les cambriolages se multiplient, les taxes et les impôts antisociaux empêchent la relance de la consommation. Avec le Front national, nous proposons une série de mesures visant à l’amélioration du cadre de vie des Lavallois. Surveillance policière accrue dans les zones à risques : centres de loisirs, culturels et sportifs. Justice plus sévère pour les dealers. Établissement de la priorité pour les Français : logements sociaux, emplois, allocations… Face à un avenir incertain, le Front national représente l’espoir ».
Des prémisses en paroles d’une percée du FN aux élections municipales. D’abord avec la liste conduite en 2014 à Laval par Jean Christophe Gruau qui a fait une percée (ici) puis avec Jean-Michel Cadenas signataire de la récente tribune des militaires de Valeurs actuelles (ici) qui a fait un flop. Puis, toujours à Laval, avec une “écrivaine” intervenant aussi sur une radio associative qui se retrouve sur la liste de Jean-Michel Cadenas et bien placée puisqu’en deuxième position (Lire ici). Evincée par le producteur d’une émission quotidienne qui sera remercié sans ménagement, Odile Menant sera en revanche réintégrée par la direction de la radio sous le pseudo de Dolly Pran pour animer toutes les semaines : “Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux…”
Des petites graines déposées, ici et là. Petit à petit. Et cela marche. En vue de l’apparition dans les années 2010 de groupes émergeant sous la forme associative tels que par exemple Génération Identitaire. Avec des références à l’Histoire très troubles de l’Europe de l’Ouest. Génération identitaire, déclarée à la préfecture du Rhône le 17 juillet 2012, représente un danger pour la démocratie en France estime les autorités françaises. Le ministère de l’Intérieur a d’ailleurs demandé en Février 2021 sa dissolution, parce qu’elle « promeut en réalité, au travers de ses interventions, de ses publications et des agissements de ses membres et dirigeants, une idéologie incitant à la discrimination des individus à raison de leur non-appartenance à la nation française ou appelant à la haine, à la violence envers les ressortissants étrangers, en présentant l’immigration et l’islam comme des menaces que les Français doivent combattre et en entretenant délibérément la confusion entre musulmans, immigrants et islamistes ou terroristes ». A Angers, à une heure de Laval et de la Mayenne, un des nids de Génération identitaire est vivace, avec l’Alvarium. Ce bar “branché” …
Le quotidien Le Monde fait ce constat : “L’extrême droite radicale n’était pas très active dans le Grand Ouest, ces dernières années, en dehors des antennes du Renouveau français et de l’Action française (Photos ci-dessous), des mouvements qui revendiquent un catholicisme « tradi », en phase avec la culture [religieuse] de la région. (…) Mais, depuis environ un an, Génération identitaire et le GUD, dont le mode d’action porte plus sur le coup de poing que sur la lecture des encycliques, séduisent certains post-adolescents et jeunes adultes.” ◼
… “une « écrivaine » intervenant aussi sur une radio associative” …
Mais mon cher Thomas, pourquoi ne pas la citer cette radio? Il s’agit de L’Autre Radio et félicitations pour cet excellent article. Informez, informez, il en restera toujours quelque chose. Heureusement!