Retraites : Temps de travail et temps de vie – Par Michel Ferron 🔓

Un appel a la Maarche pour les retraites du 21 janvier à Paris. Photo Leglob-journal.fr
Affiche à Laval de l’appel à la manifestation à Paris le 21 janvier 2023 – © Photo leglob-journal.fr

Michel Ferron nous donne à lire un texte en surplomb. En jeu, la réforme des retraites voulue par le président de la République repoussant l’âge de départ à 64 ans est applaudie des deux mains par Les Républicains. Un accord issu d’une négociation politique a permis à l’exécutif de s’attacher le vote les députés de la droite dite républicaine à l’Assemblée nationale et d’éviter l’utilisation de l’article 49-3. Reste à présent l’expression de la rue avec laquelle il faudra compter. La présence de la CFDT, de la CFE-CGC, et de la CFTC, cette fois, aux cotés des autres organisations syndicales (CGT, FO, FSU, UNSA et Solidaires) n’ayant pas hésité jusqu’à présent à descendre dans la rue comme en 2019 risque de faire monter la participation et la pression. A Laval, un rassemblement Place de la Trémoille à Laval est programmé à 11 heures le jeudi 19 janvier 2023.


Par Michel Ferron*


La belle lettre C sur leglob

Compte tenu du tempo souhaité par le gouvernement, l’actuel débat sur les retraites rentre dans une phase d’exacerbation des positions en présence. Mais, en plus des analyses politiques et syndicales, qui relèvent d’un affrontement démocratique, naturel et nécessaire, le sujet revêt également une dimension de caractère sociétal. En effet, au-delà des considérations strictement économiques incontournables – (trop) souvent présentées avec une rigueur de bonne conscience – cette crispation générale gagnerait à être abordée aussi sur les plans moral et philosophique.

Oui, les chiffres sont là, implacables : évolution démographique (quantitative et qualitative), inflation, mécanique budgétaire, prise en compte de la durée de cotisation, sans parler d’un nouveau rapport au travail (surtout depuis la crise du Covid) … Seuls quelques idéalistes naïvement obstinés continuent à feindre coupablement d’ignorer toutes ces mutations.

Et pourtant, il existe une série d’arguments qui méritent d’être démystifiés.

En premier, l’allongement de la durée de vie, dont tout le monde se réjouit, ne peut servir à cautionner à lui seul le retard du départ en retraite. Dans l’absolu, on doit pouvoir interpréter ce constat comme celui d’un progrès anthropologique, qui est à verser au crédit d’une amélioration durable de la qualité de vie et qui, de facto, exprime un encouragement à l’allongement du temps de loisir et de farniente.

On sait aussi que l’ancien slogan (sarkozyste) « Travailler plus pour gagner plus » reposait sur une part de duperie. En clair, si la règle du départ à 60 ans a été progressivement grignotée, c’est à la suite de reculs successifs, vaguement justifiés et acceptés sous la contrainte par l’opinion. On pourrait en dire autant de l’accouchement douloureux de la mesure des 35h.

Est-il donc si irréaliste et irresponsable d’oser affirmer encore que l’on aurait pu se cramponner au stade des 60 ans comme base intangible de départ (tout en y incluant des paramètres de modulation permettant de s’adapter à la prise en compte des parcours individuels : critères de pénibilité, carrières longues …) ?


maniflaval retraites 2019

Facile, objectera-t-on, de camper sur une position aussi figée, quand on a appartenu à la caste des « nantis » des fonctionnaires de l’Education Nationale. Soit …

Pour en venir aux plans de la philosophie et de la morale, il résiste toujours une strate argumentative sous-jacente et implicite, celle qui consisterait à culpabiliser des citoyens enclins à se satisfaire d’une société « jouissive et permissive », semblable à celle que pourfendait, à la veille de la seconde guerre mondiale, l’extrême-droite (relayée plus tard par l’idéologie pétainiste) dans la remise en cause des acquis du Front Populaire. On peut, sur ce terrain, retrouver la philosophie développée dans l’ouvrage de Paul Lafargue (gendre de Karl Marx) intitulé par provocation Le droit à la paresse et paru en 1880.

Trêve d’égarements … Oui, il faut redevenir sérieux et se résigner à des choix dictés par d’impérieuses réalités objectives … Mais, sur cette question comme sur d’autres, doit-on faire abstraction de considérations plus humanistes sur l’évolution de notre avenir individuel et collectif ?


*Michel Ferron, ancien élu municipal et départemental de la Mayenne et ex-militant du SGEN-CFDT


le slogan du Glob-journal

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